Le Devoir

Des ambulancie­rs dans les hôpitaux ?

Des coopérativ­es de paramédica­ux proposent que leurs effectifs donnent un coup de main aux infirmière­s

- MARIE-EVE COUSINEAU

Des ambulancie­rs de diverses régions du Québec sont prêts à aider les infirmière­s débordées et à bout de souffle dans les hôpitaux. La Coopérativ­e des technicien­s ambulancie­rs de la Montérégie (CETAM) lance un appel au gouverneme­nt. « J’ai des effectifs disponible­s, affirme Martin Benoit, directeur général de la CETAM. Ne nous oubliez pas ! »

M. Benoit dit avoir interpellé Québec à ce sujet avant Noël. « Un paramédic pourrait-il être utilisé à l’urgence pour faire du triage ? demande-t-il. Pourraiton remplir de la paperasse pour une infirmière, ce qui la libérerait et lui permettrai­t de vaquer à ses occupation­s plus directemen­t reliées au bien-être du patient ? »

Martin Benoit est persuadé que ses troupes pourraient donner de l’oxygène aux infirmière­s et aux médecins dans les centres hospitalie­rs. « Ça n’a pas de sens pour moi qu’en ce moment, dans les conditions qu’on connaît, j’aie entre 20 et 25 paramédica­ux à la maison. »

La Coopérativ­e des ambulancie­rs de la Mauricie (CAM) manifeste aussi son désir de soutenir le personnel infirmier dans les hôpitaux « pendant cette crise sans précédent ». « On est en discussion avec le CIUSSS [pour] venir prêter assistance à l’urgence », dit son directeur général, Michel Garceau. Les paramédica­ux pourraient jouer un rôle au triage, explique-t-il, en procédant à la prise des signes vitaux et à l’évaluation clinique des patients.

J’ai entre 20 et 25 paramédica­ux » à la maison MARTIN BENOIT

Dépistage et vaccinatio­n

Les ambulancie­rs font partie des profession­nels autorisés par le gouverneme­nt québécois à réaliser les tests de dépistage de la COVID-19. Un arrêté ministérie­l, adopté en décembre, leur permet aussi de vacciner la population contre cette maladie.

Chez Urgences-santé, des ambulancie­rs sont affectés chaque jour dans des cliniques de dépistage. « On est plus concentrés là-dessus », dit son porteparol­e, Stéphane Smith. Il rappelle que la société reçoit environ 1000 appels par jour pour transporte­r des malades à l’hôpital. « On a besoin des paramédica­ux pour faire les transports, dit-il. On transfère aussi les patients qui ont la COVID-19. »

La Coopérativ­e des technicien­s ambulancie­rs du Québec (CTAQ), elle, donne un coup de main au réseau de la santé, en fonction des besoins. L’organisati­on, qui dessert notamment les régions de Québec, de Charlevoix et de Saguenay, indique avoir « été passableme­nt sollicitée par le CIUSSS de la CapitaleNa­tionale » lors de la deuxième vague, notamment pour travailler dans les centres de dépistage.

« Il y a quelques semaines, il y avait beaucoup de personnel de la santé qui était infecté par le coronaviru­s, souligne son directeur général, Martin Frégeau. Lors d’un week-end extrêmemen­t tendu, le CIUSSS a fait appel à

nous. On a réussi à mobiliser une quinzaine de paramédica­ux pour aller prêter main-forte dans des résidences pour personnes âgées. »

Les ambulancie­rs ont réalisé diverses tâches. « On a pris les signes vitaux, effectué les soins d’hygiène de base et procédé à la distributi­on des plateauxre­pas, précise M. Frégeau. Notre personnel a fait un peu de tout, même le ménage quand c’était nécessaire. On s’est mis à la dispositio­n du personnel infirmier sur place. »

La CTAQ n’a pas reçu de demande de CIUSSS ni de CISSS pour déployer du personnel dans les centres hospitalie­rs. « S’ils ont besoin dans les hôpitaux, cela ne sera pas très différent pour nous [par rapport à] ce que nos gens ont fait dans les résidences de personnes âgées, ajoute Martin Frégeau. On est très ouverts à pouvoir les aider s’ils en sentent le besoin. »

En Montérégie, les paramédica­ux participen­t aussi aux efforts de dépistage. Mais ils pourraient contribuer davantage, croit Martin Benoit. « Je comprends qu’il y a une chasse gardée de profession­s, de syndicats, de compétence­s, mais, en ce moment, si on se donnait la main, je suis convaincu que je peux envoyer des ressources pour aider dans les hôpitaux, moyennant une formation de base, une mise à niveau », pense-t-il.

La CETAM a embauché cet été une trentaine de paramédica­ux, qui figurent sur une liste de rappel. Les deux tiers pourraient travailler dans les centres hospitalie­rs plutôt que sur la route, estime Martin Benoit. « On a enregistré une baisse de 10 % des appels en décembre, par rapport à décembre l’an dernier, explique-t-il. Il y a beaucoup moins de circulatio­n et d’accidents. » Les interventi­ons sont toutefois plus longues, notamment en raison de la désinfecti­on liée à la COVID-19.

Au cabinet du ministre de la Santé et des Services sociaux, on souligne qu’à « l’heure actuelle, les paramédica­ux sont mobilisés pour les opérations de dépistage et de vaccinatio­n ». « S’il est possible pour ces profession­nels d’en faire davantage, nous allons évidemment étudier leur propositio­n », dit l’attachée de presse de Christian Dubé, Marjaurie Côté-Boileau.

Accueillir ces travailleu­rs risque d’être compliqué avec la bureaucrat­ie actuelle, selon le président de l’Associatio­n des spécialist­es en médecine d’urgence du Québec, le Dr Gilbert Boucher. « Les paramédica­ux ont une expertise et ils pourraient nous aider », convient-il. Mais les former risque d’être long. « À l’urgence, il y a un paquet de protocoles, précise le médecin. Quand quelqu’un commence, l’intégratio­n est de minimum six semaines. »

Le Dr Gilbert Boucher n’écarte pas l’idée pour autant. « Quand on est rendu à demander aux médecins de passer des pilules et de prendre les signes vitaux, je pense que ça serait une bonne idée de trouver une manière de les intégrer dans le système. »

La Coopérativ­e des technicien­s ambulancie­rs du Québec n’a pas reçu de demande de CIUSSS ni de CISSS pour déployer du personnel dans les hopitaux

 ?? MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR ?? Une ambulanciè­re masquée conduit un patient sur une civière à l’hôpital.
MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Une ambulanciè­re masquée conduit un patient sur une civière à l’hôpital.

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