Phil Spector, producteur innovant et meurtrier
Parti à l’âge de 81 ans, celui qui avait collaboré avec les Beatles et de nombreux autres était toujours derrière les barreaux
L’illustre producteur musical américain Phil Spector, décédé samedi en prison, a souvent été qualifié de génie musical, notamment par l’ex-Beatle John Lennon, car il avait réussi à créer un son inimitable pour les plus grands artistes de rock.
Sa légende aura cependant été largement ternie par une condamnation pour le meurtre de la comédienne Lana Clarkson, tuée par balle en 2003. Incarcéré depuis 2009, Spector est décédé en détention samedi.
Avant de devenir le plus célèbre producteur, arrangeur et preneur de son de la musique pop des années 1960, Phil Spector avait été membre du groupe pop The Teddy Bears, qui connut son heure de gloire à la fin des années 1950.
Harvey Phillip Spector est né le 26 décembre 1939 dans le Bronx, à New York, dans une famille de la classe moyenne originaire de Russie. En 1953, quatre ans après le suicide de son père, il déménage avec sa mère et sa soeur à Los Angeles.
Peu intéressé par l’école, il étudie la guitare et le piano. Il parvient à réunir des fonds avec quelques amis et enregistre en 1958 To Know Him Is to Love
Him (« le connaître, c’est l’aimer »), titre directement inspiré de l’épitaphe gravée sur la tombe du père de Phil.
Le disque, initialement gravé à 500 exemplaires, grimpe au sommet du hit-parade. À 21 ans, Phil Spector est millionnaire.
Il bifurque alors vers une carrière de producteur. En 1961, il fonde sa société de production, Philles Records, avec un associé, Lester Sill. Il débute en enregistrant les Crystals (There’s No Other Like my Baby) dès octobre de la même année. Il réalise alors une série d’enregistrements inoubliables, de Da Doo Ron Ron des Crystals à Be my Baby des Ronettes (dont il épousera la chanteuse, Veronica « Ronnie » Bennett), en passant par Unchained Melody des Righteous Brothers.
Au chevet des Beatles
Il aura inventé la technique dite du « mur de son », qui consistait à superposer plusieurs sons pour densifier la production
Phil Spector, qui a été intronisé au Rock and Roll Hall of Fame en 1989, travaillera également avec Ike et Tina Turner (River Deep, Mountain High), Leonard Cohen (Death of a Ladies’Man) et les Ramones (End of the Century).
Il aura inventé la technique dite du « mur de son », qui consistait à superposer plusieurs sons pour densifier la production, notamment de nombreux instruments, en tirant parti des nouvelles technologies qui faisaient peu à peu leur entrée dans les studios d’enregistrement.
« Je me mets en colère quand les gens disent que le rock and roll, c’est de la mauvaise musique », déclarait le producteur, réputé pour son caractère difficile et un penchant pour les armes à feu. « Elle possède une spontanéité qui n’existe dans aucune autre forme musicale […] C’est la seule et authentique culture américaine. »
En 1970, le sorcier des consoles est appelé au chevet des Beatles, pour produire le dernier album du groupe. D’enregistrements réalisés dans des conditions difficiles par des musiciens en cours de séparation, il extrait Let It Be, salué par la critique et le public.
Par la suite, il produit les premiers albums solos des Beatles John Lennon (Imagine, Instant Karma) et George
Harrison (All Things Must Pass). Il compose avec Mick Jagger Little By Little.
Mais sa carrière musicale connaît un coup d’arrêt dans le courant des années 1970. Plombé par une réputation sulfureuse, il perd de son aura et ne retrouve plus le succès. Il est aussi rattrapé par des troubles psychologiques chroniques, ses « démons », selon son expression.
En 2003, après plus de deux décennies dans l’ombre, il fait la une lorsque la police découvre le corps de l’actrice Lana Clarkson dans la demeure du producteur, à Alhambra, en Californie.
Phil Spector affirme que la quadragénaire s’est tiré elle-même une balle dans la bouche, une version taillée en pièces par l’accusation. À l’issue de deux procès, Phil Spector est condamné, en 2009, à une peine minimale de 19 ans de réclusion.