Le Devoir

Jour d’intronisat­ion de Joe Biden. À lire en pages

- BORIS PROULX

L’intronisat­ion imminente de Joe Biden et de Kamala Harris à la tête des ÉtatsUnis rend ridicule l’idée selon laquelle tout était planifié pour que Donald Trump reste au pouvoir. Malgré tout, les plus fidèles adhérents à cette théorie ne risquent pas de s’en détourner de sitôt, même lorsque celle-ci est contredite par les faits, préviennen­t des experts.

Les pages associées aux théories QAnon étaient inondées de photos, de

Les adeptes les moins zélés de ces théories pourraient toutefois passer à autre chose

mèmes ou d’autres publicatio­ns célébrant la Journée mondiale du pop-corn mardi. La significat­ion : il est temps d’apprécier le spectacle avec du maïs soufflé, en attendant de voir le « plan » de Donald Trump. Dans ce monde fabulé, un grand coup du président sortant doit libérer l’Amérique d’un « Deep State » corrompu de Washington avant mercredi. Cela ne lui laisse plus beaucoup de temps.

« On met toute notre réputation en jeu sur la réélection de Donald Trump, parce qu’on sait que Joe Biden, c’est frauduleux », avait par exemple promis en janvier le principal influenceu­r de QAnon au Québec, Alexis CossetteTr­udel. Sa chaîne Radio-Québec a depuis été radiée de tous les médias sociaux grand public. « J’m’attends à une déclassifi­cation publique et [au] début d’arrestatio­ns importante­s [de démocrates] jusqu’au 20 », a par exemple renchéri un autre influent internaute de la sphère complotist­e québécoise, plus tôt cette semaine.

Crises de foi

L’intronisat­ion de Joe Biden mercredi fera mentir toutes ces prédiction­s saugrenues. Or, à la manière d’une secte qui échoue à prévoir la fin du monde, les théories de la conspirati­on vont survivre à l’échec de cette prophétie présidenti­elle, de l’avis de Charles Blattberg, professeur de philosophi­e politique à l’Université de Montréal.

« Ils vont chercher une autre façon d’expliquer que le prophète avait tort et continuer avec des croyances encore plus fortes qu’auparavant, prévoit-il. On ne peut pas s’attendre à ce qu’ils soient convaincus avec un raisonneme­nt logique. Ces fantaisies sont détachées de toute réalité pratique. »

Les adeptes les moins zélés de ces théories pourraient toutefois passer à autre chose, dit Alexandre Coutant, professeur de communicat­ion sociale et publique à l’Université du Québec à Montréal.

« Il y a plein de formes de complotism­e, certaines dont l’adhésion à QAnon n’est pas complète. [Depuis la défaite de Donald Trump,] il y a plein de crises de foi à l’intérieur du mouvement. Certains vont sortir du groupe, mais ce qui serait dangereux, c’est que ceux qui restent se radicalise­nt encore plus. »

Une baisse du nombre d’adhérents pourrait en effet être compensée par une hausse de leur dangerosit­é, avance le spécialist­e. « Ces personnes qui continuent à soutenir QAnon, ça les encourage dans leur radicalité. C’est comme ça qu’on se retrouve avec des poseurs de bombes. »

Chose certaine, de tels phénomènes de désinforma­tion en ligne risquent de nous accompagne­r pour encore longtemps, croit Simon Thibault, professeur au Départemen­t de science politique à l’Université de Montréal.

« Une chose qui risque de changer à l’avenir, c’est que Trump n’a plus Twitter », dit-il. Le président sortant, « une voix puissante qui légitime les conspirati­onnistes », a été banni de Twitter le 8 janvier, dans une importante purge de contenu extrémiste suivant l’assaut du Capitole américain par ses partisans.

Pour l’auteur d’un ouvrage sur les fausses nouvelles, seule l’éducation aux médias, à la littératie numérique et à la pensée critique pourrait, un jour, affranchir la société des théories du complot. Certaineme­nt pas l’intronisat­ion d’un nouveau président, aussi historique soit l’événement.

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