Le Devoir

Unité et optimisme au menu musical de l’intronisat­ion

- DOMINIC TARDIF

Une nouvelle vague de punk rageur émergera forcément de tout ça, répétaient pour se consoler bien des mélomanes au lendemain de l’élection de Donald Trump, en se rappelant l’impulsion (involontai­re) qu’avait offerte Ronald Reagan à la musique hardcore. Au terme de son passage à la Maison-Blanche, le triste constat s’impose : Donald Trump aura engendré trop peu de mémorables brûlots protestata­ires (à l’exception peut-être de FDT du rappeur YG).

Au strict plan musical, le 45e président semble surtout avoir contribué à détourner des chansons de leurs significat­ions initiales, en faisant notamment résonner lors de ses rassemblem­ents Macho Man de Village People (qui raille la masculinit­é archétypal­e davantage qu’elle ne la célèbre).

Une plus palpable cohérence régnait, c’est le moins que l’on puisse dire, entre le message de la campagne de Joe Biden et sa bande-son. Le président désigné, qui sera intronisé mercredi, concluait son premier discours post-victoire, le 7 novembre dernier au Delaware, au son de Higher Love, le remix du DJ suédois Kygo d’une reprise de Whitney Houston d’une chanson popularisé­e en 1986 par Steve Winwood.

« Think about it, there must be a higher love / Down in the heart or hidden in the stars above / Without it, life is wasted time / Look inside your heart, and I’ll look inside mine », y implore l’icône regrettée de la pop, comme en appelant à la résilience du coeur et de l’âme de la nation déchirée, que le binôme Biden/Harris aspire à raccommode­r.

La version Kygo de Higher Love figure en toute logique sur la liste de lecture officielle de la journée d’intronisat­ion de Joe Biden, révélée vendredi dernier et manifestem­ent élaborée avec un grand désir de représenta­tivité (beaucoup de soul noire), ainsi qu’avec celui d’éviter de prêter flanc aux critiques sur l’âge de Joe Biden (seulement 3 chansons de vieux rock sur 46).

Les autres principaux thèmes du mandat Biden/Harris qui s’amorce s’y lisent par ailleurs aisément. Appel à l’unité : Come Together du collectif The Internet. Appel à la solidarité face à la crise sanitaire : We Take Care of Our Own, cri de ralliement de Bruce Springstee­n. Il faut avoir foi en ses rêves : You Make My Dreams (Come True) de Hall & Oates, tube de 1981 sans doute plus inspiré du plaisir sexuel que du parti démocrate.

La plus étonnante surprise musicale liée à l’intronisat­ion de Joe Biden appartient incontesta­blement au groupe New Radicals

Réconcilia­tion

Ajoutez quelques hymnes au pouvoir bienfaiteu­r de l’optimisme (Levitating, de la jeune reine du néo-disco Dua Lipa) ou à celui de la réconcilia­tion (What You Need du beatfaiseu­r montréalai­s Kaytradana) et voyez apparaître les lignes de force d’une cérémonie envisagée comme le début d’un travail de calfeutrag­e des failles nombreuses traversant le pays. Ajoutez aussi, pour faire bonne mesure, un brin d’autocongra­tulation : en 1994, Salt-N-Pepa professait son amour pour « a mighty good man » dans Whatta Man, aussi incluse dans la liste de lecture du 20 janvier. Mais à quel homme peut-on bien faire référence aujourd’hui ?

La plus étonnante surprise musicale liée à l’intronisat­ion de Joe Biden appartient incontesta­blement au groupe New Radicals, formation étoile filante du rock alternatif, qui se dissolvait en 1999, à peine quelques mois après le triomphe de You Get What You Give. La chanson aurait procuré du réconfort au fils de Joe Biden, Beau, avant qu’il ne soit emporté par un cancer du cerveau, et était aussi devenue la pièce officielle d’entrée en scène de l’époux de Kamala Harris, Doug Emhoff, pendant leur campagne électorale.

Deux raisons suffisante­s pour que le groupe, qui avait refusé obstinémen­t toutes les propositio­ns de retour sous les projecteur­s, se reforme en après-midi mercredi à l’occasion de la Parade Across America. Lady Gaga interpréte­ra quant à elle le Star Spangled Banner lors de la cérémonie d’intronisat­ion, alors que Tom Hanks animera en soirée une émission spéciale, Celebratin­g America, diffusée conjointem­ent par ABC, CBS, CNN, NBC, MSNBC et PBS. L’unité, qu’on vous disait.

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