Le Devoir

Le droit à l’agrément

- ROBERT DUTRISAC

En prévision de la semaine de relâche, François Legault a exhorté Justin Trudeau à interdire les voyages non essentiels. Le premier ministre canadien s’est contenté de reprendre sa position bancale qui se résume à défendre le droit du quidam de faire des voyages d’agrément, tout en l’implorant, les trémolos dans la voix, de rester au pays. Il s’en trouve pour soutenir que les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ne peuvent être restreints sous aucun prétexte ou encore qu’une interdicti­on de voyager pour passer une semaine ou deux dans le Sud serait contestée devant les tribunaux. Tout se plaide évidemment, mais le droit de sortir et d’entrer au pays peut certaineme­nt être limité. En temps de pandémie et d’urgence sanitaire, bien des droits le sont d’ailleurs, même le droit, maintenant encadré, de pratiquer sa religion dans une église au Canada. C’est dire.

Restreindr­e un droit pour tenter d’éviter la propagatio­n exponentie­lle d’un virus mortel est certaineme­nt dans les « limites qui [sont] raisonnabl­es et dont la justificat­ion [peut] se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratiq­ue », comme l’énonce l’article premier de la Charte. Soutenir le contraire est tout simplement fallacieux.

L’autre argument, un peu léger, il nous semble, c’est que les voyageurs de retour de leur tout-inclus contribuen­t peu à la contagion générale. Toute proportion gardée, ils sont pourtant plus nombreux à avoir contracté la COVID-19 si on les compare aux personnes qui sont restées sagement au pays en respectant les consignes de la Santé publique.

Justin Trudeau a reconnu lui-même mardi la menace que représente­nt les mutations du coronaviru­s qui circulent à l’étranger et qui, pour certaines, sont très contagieus­es. Déjà, des voyageurs ont rapporté en Ontario et au Québec la mutation britanniqu­e, qui s’est propagée hors du Royaume-Uni.

Enfin, un autre argument avancé par les autorités fédérales veut que ce soit trop compliqué au regard des effets escomptés. Délivrer les autorisati­ons pour les voyages essentiels, par exemple, requiert une certaine organisati­on.

Or, ce qui apparaît compliqué, c’est d’obliger les vacanciers à subir des tests dont les preuves peuvent être falsifiées et dont la fiabilité est douteuse, c’est de s’assurer — Ottawa n’y arrive même pas — que les voyageurs respectent la quarantain­e et répondent avec candeur aux robots fédéraux qui les appellent sur leur cellulaire. On peut se demander ce que ces escapades dans le Sud coûtent à l’État en frais de toutes sortes.

Et c’est sans parler des voyageurs ou de leurs proches qui, après avoir contracté une des souches de la COVID-19, se retrouvero­nt dans des hôpitaux surchargés. Les hospitalis­ations, c’est pas mal plus compliqué.

À moins que le gouverneme­nt Trudeau change son fusil d’épaule, seule la vaccinatio­n massive nous garantira contre l’égoïsme et l’étourderie de certains privilégié­s. Or, nous apprenions que l’approvisio­nnement en vaccins connaît des ratés, retardant de plusieurs semaines le programme de vaccinatio­n au Québec. Dans ce contexte, et pour plus longtemps encore, l’émergence de nouvelles souches du coronaviru­s commandera une vigilance accrue.

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