Des regroupements de femmes s’en prennent au projet de loi 59
Elles craignent les effets discriminatoires du régime de santé et de sécurité au travail
Des regroupements pour les droits des femmes craignent que le nouveau régime de santé et sécurité au travail entretienne des pratiques discriminatoires. Ils ont formulé leurs critiques mardi lors de la commission parlementaire sur le projet de loi 59 à Québec.
Les travailleuses des établissements de santé du Québec s’exposent à des troubles musculo-squelettiques et à des problèmes de santé mentale, estime l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), dont 86 % des membres sont des femmes. « Sur certains plateaux techniques, les travailleuses font des mouvements répétés et font des bursites ou ont le syndrome du tunnel carpien, donne comme exemples Andrée Poirier, présidente de l’APTS. Il faut miser sur les inspections préventives pour identifier les risques à la source et les prévenir. »
En 2017, près de 80 % des lésions reconnues par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) attribuables à la violence physique sont survenues dans les milieux de la santé et de l’enseignement, a pour sa part souligné mardi la présidente du Conseil du statut de la femme, Louise Cordeau.
La pandémie de COVID-19 a aussi rappelé qu’elles s’exposent à des maladies dangereuses et à de l’épuisement. Or, la majorité des hôpitaux, tout comme les services de soins à domicile et les écoles primaires et secondaires, sont considérés comme des lieux de travail à faible risque par le Règlement sur les mécanismes de prévention inclus dans le projet de loi 59. Selon cette classification, leur employeur n’est donc pas tenu d’élaborer et de mettre en oeuvre un programme de prévention pour chaque établissement visant à éliminer ou à réduire les dangers pour la santé et la sécurité des travailleurs.
En tout, 72,9 % des femmes travaillent dans un secteur d’emploi jugé à faible risque, alors que ce pourcentage est de 53,3 % pour les hommes. La prévention ne sera donc pas aussi prioritaire pour eux que pour ceux dont le secteur d’emploi est jugé à risque moyen ou élevé.
L’APTS, le Conseil du statut de la femme et le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT) ont remis en question mardi le bien-fondé de cette classification. Chaque secteur d’emploi a été évalué en fonction des coûts des lésions professionnelles indemnisées par la CNESST sur une période de dix ans, divisés par la masse salariale du même secteur. Or, selon le CIAFT, les femmes ont historiquement sous-déclaré leurs lésions. « Les femmes sont exposées à des risques majeurs qui ont été souvent sous-estimés. En se basant sur les indemnisations passées, on crée un cercle vicieux qui contribue à discriminer les femmes », a souligné Kimmyanne Brown, coordonnatrice en droits du travail au CIAFT. Le ministre Jean Boulet a affirmé en commission parlementaire mardi que cette pondération avait été faite de façon rigoureuse, mais il n’a pas exclu d’éventuelles modifications. Selon lui, certains travailleurs du secteur de la santé ne sont pas à risque. « Il y a des gestionnaires, des travailleurs de bureau. Il va falloir que la pondération soit légitime et reflète bien cette réalité », a-t-il dit, soulignant également que l’objectif du projet de loi est d’agir rapidement pour protéger tous les travailleurs.
Par ailleurs, le Conseil du statut de la femme a demandé que soient reconnues certaines maladies professionnelles propres aux femmes, comme le cancer du sein chez les pompières. Plusieurs organismes ont aussi réclamé que le projet de loi soit soumis à une analyse différenciée selon les sexes, afin de déterminer ses effets spécifiques sur les femmes.
Violence conjugale
Le projet de loi 59 mentionne aussi que l’employeur doit « assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, y compris la violence conjugale ou familiale ». Cette disposition a été bien accueillie par le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, qui voudraient aussi que les employeurs soient obligés d’élaborer une politique de prévention en matière de violence conjugale.
« Nos intervenantes peuvent offrir des formations sur la question ou conseiller les employeurs sur les actions aidantes à mettre en oeuvre et les outils à développer : politique de congés appropriés, procédure en cas de dévoilement, mesures d’accommodement, procédures d’évaluation des risques d’homicide, protocoles de sécurité », a fait savoir le Regroupement par voie de communiqué.
Le projet de loi 59, qui contient 120 pages, est un vaste chantier qui vise à moderniser le régime de santé et de sécurité au travail. Il modifie huit lois existantes, édicte deux règlements et en modifie six.
Les femmes sont exposées à des risques majeurs qui ont été souvent sous-estimés »
KIMMYANNE BROWN
disputent sept ou huit groupes, dont aucun n’est en situation de monopole.
Virage souverainiste
C’était toutefois compter sans le « virage souverainiste » qu’a récemment opéré Emmanuel Macron. Depuis deux ans, les manifestations violentes des gilets jaunes, souvent issus de régions en déclin, ainsi que la crise de la COVID-19 ont mis en évidence les lourdes pertes subies depuis plusieurs années par le tissu industriel français. Si l’industrie pèse pour 21 % du PIB allemand et 20 % de celui de l’Italie, elle ne représente plus que 13 % du PIB français. Arcelor, Alcatel, Lafarge, Les Chantiers de l’Atlantique, Lieder Price, Alstom… ce ne sont là que quelques-uns des grands groupes dont la propriété est partie à l’étranger depuis plus de 20 ans.
La vente en 2014 à General Electric de la branche Énergie du groupe Alstom, un joyau industriel fabriquant les turbines des centrales nucléaires, a été particulièrement douloureuse. Au point où, six ans plus tard, elle continue de défrayer la chronique. Dénoncée par le ministre de l’Économie de l’époque, Arnaud Montebourg, elle fut autorisée par son successeur dès son entrée en fonction. Or, celui-ci n’était
autre que l’ancien conseiller économique de l’Élysée Emmanuel Macron.
Une enquête est d’ailleurs en cours sur cette transaction aux conséquences catastrophiques pour la France. General Electric, qui avait promis un millier de nouveaux emplois, n’a cessé de multiplier les mises à pied. Dans un livre récent, Arnaud Montebourg qualifie ce rachat d’humiliant et y voit le symbole de « la faiblesse de la nation ». Ce boulet pèse à ce point sur le bilan d’Emmanuel Macron qu’un scénario de reprise par des intérêts français serait à l’étude à Bercy, selon le Nouvel Observateur.
L’affaire Alstom fut à l’origine du « décret Alstom », qui étendit aux secteurs de l’énergie, des transports, de l’eau, de la santé et des télécommunications le droit de regard dont dispose le gouvernement depuis 2005 sur les investissements étrangers. Une législation protectionniste d’ailleurs en partie suscitée par le rachat en 2003 des alumineries Pechiney par l’entreprise canadienne Alcan.
À l’époque, Alcan avait acheté de grands placards dans la presse française pour vanter sa qualité d’entreprise « québécoise ». Résultat, quelques années plus tard, c’est l’angloaustralienne Rio Tinto qui achetait Alcan et démantelait Pechiney. En 2019, le ministre Bruno Le Maire a élargi les champs des entreprises couvertes par ce décret au domaine de l’agriculture et de l’alimentation.
À la prochaine ?
Dans la presse économique française, on déplore que le veto du gouvernement ait fait perdre, non seulement un investissement de 3 milliards d’euros dans Carrefour, mais aussi 300 millions et 500 millions d’euros aux deux principaux actionnaires de l’entreprise. Le patron de LVMH, Bernard Arnault, et la famille Moulin, propriétaire des Galeries Lafayette, étaient en effet pressés de récupérer leurs billes.
Mais, à 15 mois des élections, il n’était pas question de laisser aller le numéro un de la distribution alimentaire en France et premier employeur privé. Malgré le veto du ministre, Carrefour et Couche-Tard ont décidé de poursuivre leurs échanges en mettant l’accent sur le « partage de bonnes pratiques ». Cette tentative d’achat a beau avoir été tuée dans l’oeuf, elle ne laisse pas que des traces négatives. Selon les spécialistes du milieu, elle aurait mis en évidence le bilan positif de Carrefour à la suite de l’importante restructuration lancée par le président Alexandre Bompard. Celui-ci pourrait à son tour se lancer dans de nouvelles acquisitions.
Selon le quotidien Libération, l’entretien qu’a eu Alain Bouchard avec Bruno Le Maire se serait même terminé sur une note optimiste. Le ministre de l’Économie aurait en effet dit à l’homme d’affaires qu’il pourrait représenter son offre dans 15 mois, après les élections présidentielles.