Les coulisses d’un rachat avorté
Les facteurs qui expliquent l’échec du projet de Couche-Tard d’acquérir le géant français de l’alimentation sont plus politiques qu’économiques
Avec ses 1300 supermarchés et 3800 magasins de proximité, Carrefour ne représente pas plus de 20 % de la grande distribution alimentaire en France
Vendredi dernier, Alain Bouchard s’est posé à Paris pour une visite éclair. Après que le président du groupe Couche-Tard eut attendu 45 minutes dans l’antichambre du ministère de l’Économie, à Bercy, il n’aura fallu qu’une vingtaine de minutes au ministre Bruno Le Maire pour lui donner l’heure juste. « C’est un non courtois, mais clair et définitif ! » a déclaré le ministre en invoquant « la souveraineté alimentaire » de la France. En reprenant l’avion, le grand patron du géant québécois de la distribution savait au moins à quoi s’attendre. Selon Le Figaro, le ministre lui aurait clairement signifié que, « pour des raisons politiques, il était impossible de vendre Carrefour à quinze mois de l’élection présidentielle ».
Pourtant, chaque année, vers la mijanvier, le président Emmanuel Macron ne profite-t-il pas du forum de Davos pour inviter la crème de la finance internationale à investir en France ? L’an dernier, à l’occasion de ce sommet annuel appelé « Choose France », 200 grands patrons français et étrangers se sont bousculés à Versailles pour participer à plus de 400 rencontres bilatérales. Ancien banquier de la Banque Rothschild, Emmanuel Macron n’a jamais caché ses convictions libérales. En 2019, juste avant l’épidémie de COVID-19, la France était d’ailleurs le pays européen qui avait accueilli le plus d’investissements étrangers.
Ce veto du gouvernement est « essentiellement une opération politicienne », expliquait sur Sud Radio le journaliste économique Yves de Kerdrel. Selon lui, l’argument de la « souveraineté alimentaire » n’est que de la poudre aux yeux. « Ce n’est pas parce que l’acheteur est canadien qu’il y aurait plus de viande de caribou et de sirop d’érable dans les étals de Carrefour », a-t-il dit avec ironie.
En effet, en matière de « souveraineté alimentaire », la France ne semble guère menacée. Avec ses 1300 supermarchés et 3800 magasins de proximité, Carrefour ne représente pas plus de 20 % de la grande distribution alimentaire en France. Un marché très concurrentiel que se