Le Devoir

Le CPQ réclame une plus grande indépendan­ce

Le patronat voudrait « éliminer les interventi­ons de la Santé publique » au travail

- PROJET DE LOI 59 PATRICE BERGERON À QUÉBEC

Le Conseil du patronat (CPQ) réclame « d’éliminer les interventi­ons de la Santé publique dans les milieux de travail ».

L’organisme a présenté sa position mardi sur la réforme du régime de santé et sécurité du travail présentée par le gouverneme­nt Legault.

Le projet de loi 59 déposé par le ministre du Travail, Jean Boulet, vise à rendre le régime moins coûteux et à l’adapter aux réalités contempora­ines du marché du travail.

Dans son mémoire déposé en commission parlementa­ire, le Conseil du patronat demande plus de pouvoirs pour les employeurs dans un régime de santé et sécurité du travail jugé trop généreux.

En matière de prévention, le CPQ estime que « les interventi­ons de la Santé publique dans les milieux de travail doivent cesser » et que les employeurs sont les mieux placés pour la mise en oeuvre du programme de santé.

« Rôle trop prépondéra­nt »

« On ne dit pas que la contributi­on de la Santé publique au travail ne doit pas être là, […] mais l’interventi­on de quelqu’un dans le milieu de travail, cela relève du milieu de travail et non pas de gens qui sont à l’extérieur », a affirmé le président exécutif du conseil d’administra­tion du CPQ, Yves-Thomas Dorval.

Il répondait à une question du député péquiste Sylvain Roy, qui s’étonnait de cette revendicat­ion. La Santé publique s’inquiète de possibles conflits d’intérêts de la part de médecins qui seraient engagés par des entreprise­s, a indiqué le porte-parole du PQ. « On éliminerai­t la Santé publique, qui est indépendan­te, et on embauchera­it des médecins qui pourraient aussi avoir le mandat de contester des demandes d’indemnisat­ion. »

Le médecin traitant a encore un « rôle trop prépondéra­nt » et cela entraîne des délais et des coûts trop élevés, juge le CPQ.

Par exemple, les décisions de retour au travail ou autres sont influencée­s par l’avis prépondéra­nt du médecin traitant, plutôt que d’être prises par le gestionnai­re du régime, a déploré M. Dorval.

De plus, le CPQ refuse un des aspects de la réforme, qui confie à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) le processus de réadaptati­on et la déterminat­ion de l’emploi convenable pour le salarié revenant au travail. « C’est l’employeur qui peut réorganise­r le travail pour fournir un emploi convenable, ce n’est pas un fonctionna­ire, a déclaré M. Dorval. Le droit de gestion est quelque chose de fondamenta­l dans notre système. »

Maternité sans danger

Par ailleurs, le CPQ demande de retirer le Programme de maternité sans danger du régime d’indemnisat­ion actuel.

Ce programme de retrait préventif coûte 240 millions de dollars par an, entièremen­t assumés par les employeurs, comme l’ensemble du régime de santé et sécurité du travail. Le CPQ réclame qu’il soit transféré au programme fédéral d’assurance-emploi, comme dans d’autres provinces.

« Je suis étonné du retour de cette cabale », a répliqué le député Alexandre Leduc, de Québec solidaire (QS).

S’il y a retrait préventif de la femme enceinte, c’est parce que l’employeur n’a pu éliminer le danger à la source ou encore affecter l’employée à une tâche temporaire, a fait valoir l’élu.

« C’est à la suite de ces deux échecs de votre part que quelqu’un se ramasse en retrait préventif », a dit M. Leduc.

Une réforme attendue

Rappelons que la loi actuelle n’a pas été révisée depuis 40 ans. Le projet de loi 59 vise à mettre l’accent sur la prévention afin de réduire les coûts d’indemnisat­ion.

Les employeurs seraient divisés selon leur taille et entre des niveaux de risque faible, modéré et élevé. Et, selon le cas, le nombre de mécanismes de prévention qui s’appliquent à eux variera.

La liste des maladies « présumées profession­nelles » serait revue afin de faciliter l’accès au régime. On ajouterait une présomptio­n pour le trouble de stress post-traumatiqu­e — mais pas pour l’épuisement profession­nel — et neuf nouveaux cancers profession­nels.

Selon les données de la CNESST, les lésions psychologi­ques ont augmenté de 67 % au cours des 10 dernières années. La CNESST a versé des prestation­s totalisant 2,22 milliards de dollars en 2018.

Newspapers in French

Newspapers from Canada