Le Devoir

Coderre maintient le suspense

À l’approche des élections municipale­s, les candidats potentiels fourbissen­t leurs armes avec l’espoir de détrôner Valérie Plante

- JEANNE CORRIVEAU

À l’aube d’une campagne électorale municipale à Montréal, les belligéran­ts potentiels fourbissen­t leurs armes. Un premier candidat, Félix-Antoine Joli -Coeur, a annoncé cette semaine qu’il comptait affronter Valérie Plante le 7 novembre prochain. Denis Coderre fera-t-il de même ? S’il décide de faire un retour dans l’arène municipale, il n’est cependant pas acquis que son ancien parti ait envie de lui.

Après sa défaite contre Valérie Plante en 2017, Denis Coderre a quitté abruptemen­t sa formation politique qui s’est retrouvée avec une dette de 223 000 $, qui s’est ensuite alourdie à plus de 400 000 $ en 2019. Trois ans plus tard, tous les indices laissent croire à un retour de Denis Coderre qui entretient le suspense autour de sa candidatur­e en attendant la publicatio­n de son livre sur sa vision de Montréal.

S’il devait revenir, reprendrai­t-il le parti qu’il a laissé en 2017 — devenu Ensemble Montréal — ou lancerait-il sa propre formation politique ? Plusieurs sources au sein d’Ensemble Montréal confirment que son possible retour ne ferait pas que des heureux. Certains élus et militants lui en veulent encore pour sa mauvaise performanc­e en campagne électorale en 2017 et pour avoir abandonné un parti endetté. « S’il décide de revenir, il y a beaucoup de gens qui ne viendront pas », confirme un élu. « Je ne pense pas que l’unanimité soit nécessaire », tempère un autre.

Le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez, refuse de dire s’il a des discussion­s avec Denis Coderre. « Je parle avec beaucoup de candidats potentiels, dit-il. On maintient le cap pour une décision au printemps. Il y a beaucoup de choses à faire avec le recrutemen­t des candidats et candidates, la préparatio­n de la plate-forme électorale et les bénévoles. »

Au bout du fil, l’ancien maire refuse de faire des commentair­es, alléguant que ses paroles pourraient prêter à interpréta­tion pour la suite des choses. Plusieurs sources le disent toutefois très actif pour rassembler une équipe.

M. Perez a déjà fait savoir qu’il n’entendait pas briguer la mairie de Montréal, mais il n’écarte pas la possibilit­é d’affronter Sue Montgomery à la mairie de Côtedes-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.

Si Denis Coderre choisissai­t de se présenter comme indépendan­t ou de créer son propre parti, cette décision pourrait alimenter un certain ressentime­nt chez son ancienne formation. « Je ne crois pas qu’il ait le loisir d’aller créer une autre formation politique alors que les élus [d’Ensemble Montréal] sont restés avec la dette », soutient un élu. « Je pense que Denis Coderre est assez mature pour comprendre ça. »

Quant à la dette du parti, elle aurait diminué au cours des derniers mois, notamment grâce à une activité de financemen­t tenue en décembre. Selon une source au parti, elle oscillerai­t maintenant autour de 300 000 $. Lionel Perez est catégoriqu­e : la situation financière du parti ne sera « aucunement un enjeu » pour Ensemble Montréal, dit-il.

Denis Coderre sent-il qu’il a une responsabi­lité à l’égard de son ancien parti ? Au bout du fil, l’ancien maire refuse de faire des commentair­es, alléguant que ses paroles pourraient prêter à interpréta­tion pour la suite des choses. Il affirme que sa décision de revenir en politique n’est pas prise et qu’il est en train de mettre une dernière touche à son livre qui abordera sa vision de Montréal, le rôle des villes et des thèmes comme le vivre-ensemble. « Ce travail est vraiment ma priorité pour l’instant. Mais ce n’est pas une biographie ou des règlements de comptes », assure-t-il.

Plusieurs sources le disent toutefois très actif pour rassembler une équipe.

Professeur­e spécialisé­e en gestion municipale à l’UQAM, Danielle Pilette croit très vraisembla­ble le retour de l’ancien maire. « M. Coderre veut revenir à tout prix, mais il ne veut pas connaître un échec non plus, note-t-elle. Il y a deux arrondisse­ments qui m’apparaisse­nt cruciaux pour lui s’il devient candidat à la mairie, c’est Ahuntsic–Cartiervil­le et Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. C’est sa clientèle traditionn­elle, en partie allophone et anglophone. »

Selon elle, la principale menace pour Valérie Plante n’est pas Denis Coderre, mais bien la démobilisa­tion des Montréalai­s et un faible taux de participat­ion.

Des aspirants maires

Avec ou sans Denis Coderre, Ensemble Montréal prépare une course à la chefferie pour le printemps. Le nom de l’ancien ministre libéral de l’Environnem­ent, David Heurtel, circule comme candidat potentiel. Joint par Le Devoir, celui-ci indique qu’il n’a pas pris de décision. « Je constate que mon nom circule. Pour l’instant, je n’envisage pas une candidatur­e à la mairie de Montréal, mais c’est sûr que je regarde ça de près », explique-t-il.

D’autres candidats envisagent de tenter de déloger Valérie Plante. FélixAntoi­ne Joli-Coeur a annoncé lundi

son intention de briguer la mairie avec le parti Ralliement pour Montréal. L’ancien joueur des Alouettes et excandidat à la mairie de Montréal-Nord en 2017 avec Projet Montréal, Balarama Holness, envisage aussi de se lancer : « Quand je vois la façon dont la mairesse a géré la ville dans les trois dernières années, je suis motivé à m’y mettre d’ici quelques semaines. »

De son côté, l’ancien conseiller de Rosemont–La Petite-Patrie avec Projet Montréal et expert en économie collaborat­ive, Guillaume Lavoie, poursuit sa réflexion. « Les choses s’accélèrent », admet-il.

ll est sévère à l’égard de l’administra­tion Plante et juge catastroph­ique sa gestion des finances de la ville. « Je vois un bris profond entre ce qu’était Projet Montréal et ce que c’est aujourd’hui », dit-il.

Quand on évoque la rumeur d’une alliance avec Denis Coderre, il a ce commentair­e : « C’est très clair que pour moi, il y aurait une incompatib­ilité totale avec des gens qui sont dans un exercice de visibilité. » Il soutient par ailleurs avoir beaucoup de respect pour Justine McIntyre, l’ancienne chef de Vrai Changement Montréal, et dit bien connaître Félix-Antoine Joli-Coeur.

Démissions

Dans les rangs de Projet Montréal aussi, les équipes s’activent pour le prochain scrutin. Le parti de la mairesse a dû composer avec plusieurs démissions, dont celle de Christine Gosselin, Christian Arseneault et Julie-Pascale Provost, en plus de la décision de Rosannie Filato de quitter le comité exécutif.

Des élus avec qui Le Devoir s’est entretenu conviennen­t que l’année qui vient de s’écouler a suscité des frustratio­ns. « De dire qu’il n’y a pas de frustratio­ns dans un parti au pouvoir, ça serait être malhonnête », estime le maire de Mercier–Hochelaga–Maisonneuv­e, Pierre Lessard-Blais. D’autres mentionnen­t les effets de la pandémie qui ont retardé des projets et imposé des restrictio­ns financière­s. Aux récriminat­ions de ceux qui considèren­t que l’entourage de la mairesse trop contrôlant, Valérie Plante avait eu ce commentair­e en décembre : « Je considère que c’est mon rôle comme leader, comme mairesse, de dire qu’il faut prendre le contexte actuel d’une pandémie et trouver une solution aux urgences. »

La principale menace pour Valérie Plante n’est pas Denis Coderre, mais bien la démobilisa­tion des Montréalai­s et un faible taux de participat­ion, estime la professeur­e spécialisé­e en gestion municipale à l’UQAM, Danielle Pilette

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Après sa défaite contre Valérie Plante en 2017, Denis Coderre a quitté abruptemen­t le parti Ensemble Montréal.

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