Le Devoir

Tout le monde l’appelait Napa

Le sans-abri retrouvé mort à Montréal le week-end dernier rêvait de trouver la stabilité et de fonder une famille, racontent ses proches

- JESSICA NADEAU

Il s’appelait Raphaël André, mais tout le monde l’appelait Napa, diminutif de Napaien, qui signifie Raphaël en Innu. L’homme de 51 ans, qui est mort de froid dans les rues de Montréal ce week-end, n’était pas qu’un itinérant. C’était d’abord et avant tout un homme généreux, débrouilla­rd, qui ne tenait pas en place mais qui rêvait de trouver la stabilité et de fonder une famille, racontent ses proches.

« Je n’arrive toujours pas à croire qu’il nous a quittés. » Pamela Vollant-Chemaganis­h, la cousine de Napa, a envoyé ces quelques mots au Devoir, par Messenger, accompagné­s d’une image pieuse : des escaliers qui montent vers le ciel, Jésus qui prie au pied des marches, une colombe, des roses rouges et tout en haut, dans un ciel nuageux, un homme au crâne dégarni et aux yeux tristes. Un dernier souvenir de Napa.

« Il était gentil et parlait à tout le monde, résume sa cousine. Il aimait vivre à Montréal. »

Napa a grandi dans une famille nombreuse à Matimekush, une petite communauté innue enclavée dans Scheffervi­lle. Sa mère, Suzanne André, était naskapi et son père, Daniel André, était innu. Ce dernier était un « grand chasseur de caribou », explique Pamela Vollant-Chemaganis­h. « Mais la génération suivante a été sacrifiée lors de la sédentaris­ation des Innus. »

À plusieurs reprises, dans sa vie, Napa s’est installé à Montréal. « Il n’a pas toujours été itinérant », précise sa cousine. Il avait la bougeotte, raconte un proche de sa famille, qui préfère ne pas donner son nom. « Il n’arrivait jamais à rester à la même place. Mais il voulait tellement trouver la stabilité, il était tanné de vivre d’un bord et de l’autre. Il rêvait de trouver une femme, une job, une vie stable. Je souris et j’ai de la peine en le disant parce qu’il le disait très souvent. »

Son neveu, Shannonchr­is André, croit aussi que son rêve était « d’avoir une belle vie et de fonder une famille parce qu’il aimait beaucoup les enfants. »

Selon lui, c’était un homme « débrouilla­rd et généreux qui avait de l’amour pour tout le monde et qui était toujours prêt à aider les autres ».

Shannonchr­is André « admirait » son oncle pour sa grande débrouilla­rdise. « Je suis très fier d’avoir eu un oncle aimable et vaillant », dit-il.

Napa revenait à l’occasion à Matimekush pour voir sa famille, dont il était resté très proche. « Il venait nous rendre visite quand il pouvait », raconte son neveu. « Quand il revenait ici, il aimait passer du temps dans la nature. On l’aimait tous dans la famille. »

Mais depuis deux ans, sa famille n’avait que très peu de nouvelles. « On savait qu’il était à Montréal via les réseaux sociaux, raconte sa cousine Pamela Vollant-Chemaganis­h. Son père lui envoyait de l’argent et de la nourriture traditionn­elle, tel que du caribou et des lagopèdes blancs. »

« Repose en paix »

Raphaël André avait un passé trouble, comme en témoigne son dossier criminel. En 1988, il a plaidé coupable à des accusation­s de négligence criminelle et a purgé sept ans de prison. « Il n’arrivait pas à se pardonner », explique un proche de la famille qui a requis l’anonymat.

C’est la raison pour laquelle, selon cette personne, Napa avait toujours peur des policiers.

L’homme avait également des problèmes de consommati­on d’alcool, raconte ce proche. « La boisson était son problème. Il a essayé d’arrêter souvent. Il arrêtait six mois, c’était beaucoup pour lui et il était très fier. Mais il ne trouvait jamais ce qu’il cherchait. »

Sur Facebook, plusieurs proches lui souhaitent de trouver enfin la paix. « Finie la souffrance comme sur terre », lui écrit une amie.

De son côté, la famille prépare les funéraille­s, qui seront célébrées à l’église de Matimekush. « On a coutume de donner un lampion à chaque personne en souvenir de la personne décédée », explique Pamela Vollant-Chemaganis­h. L’image de Jésus qui prie et de Raphaël Napa André dans le ciel sera collée sur ces lampions, avec ces derniers mots : « Repose en paix. »

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