Le Devoir

La réforme Boulet torpillée de toutes parts

Son projet de loi 59 serait sexiste et ne tiendrait pas compte des données scientifiq­ues

- PATRICE BERGERON À QUÉBEC LA PRESSE CANADIENNE

Dure semaine pour le ministre du Travail, Jean Boulet : sa réforme tant attendue des normes de la santé et de la sécurité au travail a été durement critiquée, autant par les syndicats que par des profession­nels de la santé. Son projet de loi 59 est sexiste et ne tient pas compte des données scientifiq­ues, selon ce qui a été entendu durant les consultati­ons qui ont duré de mardi à vendredi.

Encore vendredi, on a reproché au gouverneme­nt Legault d’avoir complèteme­nt oublié le télétravai­l, la nouvelle réalité qui gagne pourtant de plus en plus en popularité depuis le début de la pandémie.

Le projet de loi viendrait moderniser la loi actuelle, qui date de plus de 40 ans, mais il comporte des failles importante­s et des « reculs historique­s », comme l’a déploré entre autres la Confédérat­ion des syndicats nationaux (CSN). L’Union des travailleu­rs accidentés y voit également « un retour en arrière de 35 ou 40 ans ».

En éliminant la notion de la « prépondéra­nce » de l’avis du médecin traitant, le projet de loi 59 annonce le retour de la « médecine de compagnie », c’est-à-dire des médecins payés par l’employeur qui contestero­nt chacune des demandes d’indemnisat­ion, s’inquiète l’organisme. « Pour avoir une chance de gagner leur cause, les victimes doivent souvent engager une petite fortune en honoraires d’avocats et en expertise », peut-on lire dans leur mémoire. Tous les grands syndicats ont également dénoncé cette brèche concernant l’avis du médecin traitant.

La Fédération des médecins spécialist­es (FMSQ) s’inquiète de la « perte d’indépendan­ce des médecins » et souligne que l’expertise médicale « doit rester indépendan­te ». L’Ordre des orthophoni­stes et des audiologis­tes a également reproché au gouverneme­nt vendredi de ne pas tenir compte des données et études scientifiq­ues.

Le projet de loi « attaque de plusieurs façons les femmes », a en outre déploré Félix Lapan, le représenta­nt l’Union des travailleu­rs accidentés. Car en vertu de cette réforme, plusieurs secteurs d’emploi à majorité féminins ne seront plus assujettis aux mécanismes de prévention actuels.

« Ça défavorise nos secteurs, éducation, santé, enseigneme­nt supérieur, parce que nos groupes, majoritair­ement des femmes, se retrouvera­ient dans des niveaux de risque classés “faible” », a déploré la présidente de la CSQ, Sonia Éthier.

Télétravai­l absent

Selon l’organisme Télétravai­l Québec, il faut obliger toutes les entreprise­s à adopter une politique sur le télétravai­l pour clarifier les règles. « Le fait de ne pas avoir le terme “télétravai­l” dans le projet de loi laisse croire que le télétravai­l n’est pas une priorité, a affirmé le président de l’organisme, José LemayLecle­rc. Le minimum serait de l’inclure dans le projet, ce serait une forme de promotion. »

Jean Boulet a soutenu pour sa part qu’il valait mieux recommande­r aux entreprise­s d’adopter une politique plutôt que de les y forcer. « Peu importe le lieu du travail, dans un café, à la maison ou à l’établissem­ent, il y a une obligation [pour l’employeur] d’utiliser les techniques pour éliminer, contrôler et bien identifier les risques », a-t-il fait valoir.

Newspapers in French

Newspapers from Canada