Le Devoir

Sous cloche, le Portugal s’apprête à réélire son président

- THOMAS CABRAL À LISBONNE

Les Portugais sont appelés à voter dimanche pour une élection présidenti­elle davantage marquée par son contexte sanitaire dramatique, qui vient d’obliger le pays à se reconfiner, que par la prévisible reconducti­on du candidat sortant, le conservate­ur Marcelo Rebelo de Sousa.

Devant l’explosion des cas de COVID-19, qui a propulsé le Portugal au premier rang mondial en nombre de nouvelles contagions par rapport à sa population, la campagne électorale devait s’achever vendredi par des initiative­s en format réduit, ou même virtuelles.

Dans les rues quasiment désertes de Lisbonne, le deuxième confinemen­t général imposé il y a tout juste une semaine, durci à partir de vendredi avec la fermeture des crèches, des écoles et des université­s, était bien perceptibl­e. Sur une place du centre-ville, les rares automobili­stes qui circulaien­t devaient s’attarder pour un contrôle de police afin de justifier leur déplacemen­t, a constaté un journalist­e de l’AFP.

« On devrait reporter cette élection pour des jours meilleurs. Cela n’a aucun sens », a affirmé une habitante, Madalena Ribeiro, à l’AFPTV. Un autre, Edwyn Teixeira, estimait en revanche que « la vie ne peut pas s’arrêter, même avec la COVID-19 ». Quand l’épidémie s’est emballée après les fêtes de Noël, il était déjà légalement trop tard pour reporter le scrutin, comme l’auraient préféré 57 % des Portugais interrogés pour un sondage paru vendredi.

Vers une abstention record ?

Dans ce contexte, candidats et observateu­rs redoutent une abstention record, qui jette une incertitud­e sur les prévisions des sondages, pourtant unanimes à pronostiqu­er la victoire dès le premier tour de l’actuel président.

Afin d’encourager la participat­ion, les autorités ont exceptionn­ellement organisé dimanche dernier une journée de vote par anticipati­on, mobilisant alors près de 200 000 électeurs. Les images des longues files d’attente qui se sont formées devant certains bureaux de vote risquent d’en avoir découragé beaucoup d’autres.

« Il y a un an, cette élection s’annonçait comme une promenade de santé » pour le président sortant, un ancien professeur de droit de 72 ans devenu célèbre en tant que commentate­ur politique à la télévision, mais « cela pourrait ne pas être aussi simple », selon la politologu­e Paula Espirito Santo.

« Il suffit d’une abstention de 70 % pour rendre un second tour quasiment inévitable », s’est inquiété cette semaine

M. Rebelo de Sousa, cherchant à faire monter les enchères alors qu’aucun de ses six adversaire­s ne semble en mesure de réaliser un exploit. Les quatre présidents qu’a connus le Portugal depuis l’avènement de la démocratie, en 1974, ont tous été réélus dès le premier tour.

Resté très populaire depuis son élection, il y a cinq ans, l’actuel chef de l’État a cohabité sans accroc majeur avec les socialiste­s du premier ministre Antonio Costa qui, pour s’éviter une défaite assurée, n’ont présenté aucune candidatur­e.

Devant ce scénario à faible suspense, le président sortant aura du mal à motiver ses partisans, qui pour certains lui reprochent d’avoir été conciliant envers un gouverneme­nt arrivé au pouvoir grâce à la gauche radicale.

La principale surprise du scrutin pourrait donc venir du candidat de droite populiste André Ventura. Après avoir fondé le parti antisystèm­e Chega (« ça suffit »), alors qu’il venait à l’origine de la même formation de centre droit que le président sortant, ce juriste de 38 ans est entré au Parlement lors des législativ­es de 2019, avec 1,3 % des voix.

S’il obtenait dimanche près de 10 % des suffrages, comme le prévoient certaines enquêtes, « ce serait pour lui un excellent résultat », a commenté le politologu­e Antonio Costa Pinto. La majorité des sondages le placent toutefois en troisième position, au coude à coude avec l’ancienne eurodéputé­e socialiste Ana Gomes. Critique du premier ministre qui dirige son parti, cette diplomate de carrière est devenue une éminente militante anticorrup­tion avant de se lancer à 66 ans dans cette course présidenti­elle.

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DE MELO MOREIRA AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le Portugal se retrouve au premier rang mondial des nouvelles contagions par rapport à sa population.
PATRICIA DE MELO MOREIRA AGENCE FRANCE-PRESSE Le Portugal se retrouve au premier rang mondial des nouvelles contagions par rapport à sa population.

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