Le Devoir

Un hiver presque normal pour les fictions françaises

De Makine à Vigan, de Kouchner à Delerme, gros plan sur les temps forts d’une rentrée florissant­e

- PANORAMA CHRISTIAN DESMEULES COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Malgré la pandémie, qui semble avoir peu affecté en France le chiffre d’affaires des librairies et le monde de l’édition, la rentrée littéraire s’annonce florissant­e. Selon le magazine spécialisé Livres Hebdo, 340 romans français (11 de plus qu’à la même période en 2020) vont atterrir dans les librairies de l’Hexagone — des titres qui, dans une part considérab­le, se rendront jusqu’à nous.

Allons y voir d’un peu plus près, le temps d’un panorama aussi bref que cruel.

Dans L’ami arménien (Grasset), son 19e roman, l’académicie­n Andreï

Makine raconte, alors qu’il était pensionnai­re d’un orphelinat situé dans la périphérie d’une grande ville de Sibérie dans les années 1970, sa rencontre marquante avec un condiscipl­e souffre-douleur d’origine arménienne dont il devient le protecteur. « Il m’a appris à être celui que je n’étais pas. » Avec empathie, l’auteur du

Testament français (prix Goncourt et Médicis en 1995) y évoque aussi la vie des Arméniens exilés en Sibérie à l’époque soviétique. À la lumière de l’actualité des derniers mois dans le Caucase, il s’agit d’un hommage bien venu à la force et à la résilience du peuple arménien (17 février).

L’autrice de Rien ne s’oppose à la nuit (2011) et de D’après une histoire

vraie (prix Renaudot et Goncourt des lycéens 2015), Delphine de Vigan, passe chez Gallimard, où elle a suivi Karina Hocine, son éditrice chez JC Lattès, nommée en 2019 secrétaire générale des Éditions Gallimard.

Les enfants sont rois (Gallimard) raconte l’histoire d’une mère qui devient riche et célèbre en mettant en scène ses enfants sur YouTube. « Des années plus tard, ils feront entendre leur version. Un roman sur les dérives d’un monde où l’on ne vit que pour être vu » (en avril). Marie Ndiaye, Prix Femina en 2001

pour Rosie Carpe et Prix Goncourt en 2009 avec Trois femmes puissantes, nous revient avec La vengeance

Dans La vie en relief,

Philippe Delerm cherche à punaiser des instants de la vie, tentant de les faire revivre et de les immortalis­er en quelques phrases

m’appartient (Gallimard), un nouveau roman qui raconte l’histoire d’une avocate de Bordeaux dans la quarantain­e dont la vie est bousculée par la réappariti­on d’un personnage clé de son enfance. Un thriller psychologi­que qui convoque certains des thèmes habituels de l’écrivaine française : les petites défaillanc­es familiales, le pourrissem­ent mis en oeuvre par l’indicible, la banalité du mal (en février).

Avec Serge (Flammarion), la romancière et dramaturge Yasmina Reza signe une chronique familiale en forme de comédie douce-amère et galopante qui raconte une fratrie de trois enfants (Jean, Serge et Nana), issus d’une famille juive non pratiquant­e originaire de Hongrie. Avec humour et finesse, le roman s’articule autour d’une épique visite en famille des camps d’Auschwitz-Birkenau (15 janvier).

Dans La vie en relief (Seuil), son nouveau recueil de textes courts et bigarrés, Philippe Delerm se souvient une fois encore, entre nostalgie et délectatio­n. À sa manière, l’auteur de

La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules (1997) cherche à punaiser des instants de la vie, tentant de les faire revivre et de les immortalis­er en quelques phrases, tout en essayant de « dire ce que tout le monde doit sentir » (7 février).

À Tanger, au début des années 2000, un pédophile abuse de jeunes filles en leur faisant miroiter la publicatio­n de leurs poèmes dans son journal. Dans Le miel et l’amertume (Gallimard), l’écrivain franco-marocain Tahar Ben

Jelloun (Prix Goncourt en 1987 pour

La nuit sacrée) raconte l’histoire d’une de ses victimes, Samia, 16 ans, qui a tout consigné dans son journal intime avant de se suicider. Contre toute attente, un jeune immigré africain cherchera à renverser la décomposit­ion qui frappe le couple formé par ses parents (en février).

Entre folie et amour fusionnel, le temps d’un été à la dérive passé dans un petit hôtel de la Côte d’Azur — matelas requins, mistral, chansons de Véronique Sanson et des Rolling Stones —, Nathalie Kuperman, autrice d’une dizaine de romans, explore dans On était des poissons (Flammarion) les arcanes complexes de la relation entre une mère à l’équilibre fragile et sa fille de 11 ans (15 janvier).

Vingt-huit ans après la disparitio­n d’Hervé Guibert, avec tendresse et un zeste de nostalgie, Mathieu Lindon raconte dans Hervelino (P.O.L.) les années romaines de son amitié avec l’auteur d’À l’ami qui ne m’a pas sauvé

la vie, alors que tous les deux étaient pensionnai­res à la fin des années 1980 à la fameuse Villa Médicis, à Rome (en février).

Les lecteurs impression­nés par son percutant Récit d’un avocat (2016) voudront assurément lire L’instructio­n (Le Quartanier) d’Antoine Brea, dans lequel on suit un juge d’instructio­n tout juste sorti de l’école et nommé dans un palais de justice d’une banlieue parisienne. Entre le documentai­re et le roman d’apprentiss­age, l’écrivain y « questionne avec inquiétude la société française à travers le prisme technocrat­ique, judiciaire, carcéral et policier ». (26 janvier)

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AGENCE FRANCE-PRESSE
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