Le Devoir

Climat de travail « toxique » à Rideau Hall sous Julie Payette

- GUILLAUME LEPAGE

Pendant ses trois ans de règne comme gouverneur­e générale, Julie Payette a instauré un climat de travail « toxique » auprès de ses employés, conclut dans un rapport dévastateu­r rendu public mercredi la firme chargée d’enquêter sur son passage à Rideau Hall.

Le document de quelque 130 pages est lourdement caviardé, des pages entières de détails ayant été noircies ou supprimées principale­ment pour protéger la confidenti­alité des participan­ts. Mais le constat dressé par la firme Quintet Consulting Corporatio­n est sans appel au sujet de celle qui représenta­it la reine Élisabeth II au Canada jusqu’à sa démission, la semaine dernière.

À la lumière des témoignage­s récoltés, le problème est « suffisamme­nt sérieux pour retenir l’attention du Bureau du conseil privé », soit le ministère du premier ministre Justin Trudeau, est-il écrit. Celui-ci « doit agir rapidement et de manière décisive ».

Dans le cadre de son enquête, la firme spécialisé­e dans l’examen des conflits de travail a rencontré 92 participan­ts, y compris des employés actuels et d’anciens employés de Rideau Hall. Pas moins de 500 pages de retranscri­ptions d’entrevues ont été nécessaire­s.

Parmi les personnes interrogée­s, une écrasante majorité d’entre eux ont brossé un portrait sombre de leur lieu de travail : 43 l’ont décrit comme « hostile » ou « négatif » alors que 26 ont utilisé le terme « toxique » ou « empoisonné ». Les participan­ts ont également utilisé les expression­s « humiliatio­n », « manque de respect » et « condescend­ance ».

Le volumineux document précise aussi que « 20 participan­ts ont rapporté avoir été témoins de harcèlemen­t dans leur environnem­ent de travail ou ont fait référence à des comporteme­nts de harcèlemen­t au bureau ». Les personnes questionné­es ont aussi eu droit à des cris, des hurlements, une conduite agressive, des commentair­es humiliants et des humiliatio­ns publiques.

Le rapport souligne également que plusieurs employés ont pris un congé maladie ou quitté définitive­ment leur emploi depuis l’entrée en poste de Julie

Payette en 2017. Le climat de travail à Rideau Hall a conduit 17 participan­ts à l’enquête de la firme Quintet à la démission et 13 autres à l’arrêt temporaire pour des raisons de santé, précise-t-on.

Démission

Julie Payette a démissionn­é de son poste de gouverneur­e générale jeudi dernier, n’admettant aucun acte répréhensi­ble particulie­r, mais affirmant qu’elle le faisait pour le bien de l’institutio­n.

Dans sa déclaratio­n, Mme Payette a laissé entendre qu’elle n’était peut-être pas entièremen­t d’accord avec les blâmes qu’on lui adresse. « Je crois fermement aux principes de justice naturelle, de respect des procédures et de l’État de droit, a-t-elle écrit, et que ces principes s’appliquent à tous également. Néanmoins, pour le bien de notre pays, pour l’intégrité de ma fonction vice-royale et de nos institutio­ns démocratiq­ues, je suis arrivée à la conclusion qu’un nouveau gouverneur général devrait être nommé. Les Canadiens méritent la stabilité en ces temps incertains. »

Mme Payette avait également pris le soin de mentionner « qu’aucune plainte officielle ou grief officiel n’a été formulé » pendant son mandat et que toute cette affaire n’est peut-être qu’une question de perception. « Nous vivons tous les choses différemme­nt, mais nous nous devons de toujours nous efforcer de faire mieux, et d’être attentifs aux perception­s des uns et des autres. »

Le gouverneme­nt fédéral a demandé l’an dernier à la firme privée Quintet Consulting Corporatio­n de tirer l’affaire au clair, après que CBC a révélé, sur la foi d’une douzaine de témoignage­s anonymes, que le climat de travail était devenu invivable à Rideau Hall, qui tient lieu de bureau et de résidence du gouverneur général au Canada. Selon les témoignage­s, Mme Payette criait contre les employés et les humiliait devant des collègues.

Mme Payette avait été nommée par Justin Trudeau en octobre 2017 pour un mandat devant se terminer en théorie cinq ans plus tard, en 2022. M. Trudeau a depuis indiqué qu’il nommera un successeur à Mme Payette « en temps voulu ».

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