Le Devoir

Pour la rue Notre-Dame, il faut une véritable implicatio­n des citoyens

Même 50 ans après les expropriat­ions, notre blessure n’est pas encore guérie

- Émilie Therrien Avocate, fondatrice du Regroupeme­nt des riverains de la rue NotreDame et cofondatri­ce de HocheLégal

Nous sommes un regroupeme­nt de plus de 300 résidents d’HochelagaM­aisonneuve qui habitent sur le bord de la rue Notre-Dame. Nous avons suivi avec intérêt l’annonce du projet de REM de l’Est et la réfection de la rue Notre-Dame, ainsi que les interventi­ons dans les médias de gens issus de divers milieux.

Un premier constat : encore une fois, Hochelaga-Maisonneuv­e est un quartier tenu pour acquis, un simple lien entre la banlieue, l’est de Montréal et le centre-ville. Comment pouvons-nous conclure autre chose ? En 1972, notre quartier a été défiguré lorsque des milliers de personnes ont perdu leur logement, tombé sous le pic des démolisseu­rs afin de construire une autoroute qui n’aura finalement jamais vu le jour. Notre quartier se remet encore économique­ment et socialemen­t de ce traumatism­e et de cette véritable aberration urbanistiq­ue.

La rue Notre-Dame est une blessure dans notre quartier, une blessure qui n’est malheureus­ement pas encore guérie, même 50 ans après les expropriat­ions. Du côté sud, un gros entrepôt, quelques bâtisses, dont une qui est passée au feu au moins deux fois dans la dernière année, des terrains désaffecté­s et sous-utilisés. Et aucune vue sur le fleuve. Du côté nord, une bande gazonnée, qui attend patiemment d’être fauchée par des machines lorsqu’on aura bien décidé de ce qu’il en adviendra.

Au quotidien, jour et nuit, nos maisons vibrent. Elles sont assaillies par le bruit incessant des camions. Nous ne pouvons ouvrir nos fenêtres en été. Notre santé est affectée par la pollution causée par la circulatio­n incessante.

Avec le tracé actuel proposé par CDPQ Infra et la réfection de la rue Notre-Dame annoncée par la Ville de Montréal, cette blessure n’est pas près de guérir.

Nous sommes inquiets. Nous sommes inquiets, car nous avons vu ce qui s’est passé avec la première phase du REM : préoccupat­ions citoyennes ignorées, attitude « bulldozer » de CDPQ Infra, manque flagrant de vision architectu­rale, absence d’intégratio­n dans le paysage urbain, etc.

Nous sommes aussi inquiets que l’on commette les mêmes erreurs avec la réfection de la rue Notre-Dame.

Nous sommes favorables à l’implantati­on d’un projet de transport en commun structuran­t dans notre quartier. Le sud d’Hochelaga-Maisonneuv­e est un désert de transport en commun, il faut agir ! Mais ce projet ne doit pas détériorer notre qualité de vie déjà si fragile.

Nous sommes aussi favorables à la revitalisa­tion de la rue NotreDame. Nous ne la voulons toutefois plus aussi bruyante, vibrante et dérangeant­e comme elle a pu et continue de l’être depuis des décennies. Nous ne voulons plus d’une rue qui voudrait être une autoroute aux portes de nos maisons. Le statu quo n’est plus possible. Nous voulons des espaces verts, nous voulons respirer ! Que d’espace négligé, mais avec tellement de potentiel !

Nous sommes favorables à de nouveaux projets dans notre quartier. Ces projets doivent toutefois tenir compte de ce qu’est HochelagaM­aisonneuve et de ce que le quartier a envie de devenir.

La conjonctur­e est là pour faire de ce grand bout de notre quartier un endroit agréable et accessible à tous et ainsi tourner la page d’un chapitre sombre de notre riche histoire.

Gens de CDPQ Infra, gens du gouverneme­nt du Québec, gens de la Ville, nous voulons discuter avec vous et avoir de franches conversati­ons. Nous avons des idées, nous avons de l’espoir, nous voulons innover même.

Nous vous tendons la main de bonne foi. Mais nous devons d’abord être rassurés : seronsnous écoutés ?

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