Le Devoir

Un impôt exceptionn­el sur les riches pour rembourser la dette de la COVID-19

- Pierre-André Julien Professeur émérite

Depuis quelque temps, on parle de prélever un impôt exceptionn­el en particulie­r sur les grandes fortunes pour rembourser en partie la dette de la COVID-19. Étant donné que le coût de cette pandémie touche avant tout la classe moyenne et encore plus les plus pauvres, notamment ceux qui ont perdu leur emploi, cet impôt concernera­it les plus riches qui utilisent tous les moyens pour s’en protéger, dont les chalets dans les Laurentide­s.

Puisque, comme vient de l’expliquer le rapport d’Oxfam internatio­nal, les chiffres montrent que les 1000 individus les plus riches de la planète n’ont eu besoin que de 9 mois pour recouvrer l’ensemble de leurs pertes financière­s causées par la première année de cette pandémie. Alors qu’il faudra dix ans pour les plus pauvres pour compenser ce qu’ils ont perdu.

Inégalités du sort et difficulté­s à s’en remettre qui ne font qu’augmenter. Par exemple, le directeur parlementa­ire canadien du budget a calculé que l’an dernier, 1 % des Canadiens les plus riches détenaient 25,6 % de la richesse totale, soit environ 3000 milliards de dollars sur un total de 11 700 milliards. Et l’on sait qu’au Québec, ces revenus des plus riches ont plus que doublé dans la décennie, alors que ceux des 99 % qui restent n’ont augmenté que de 15 %. Calculée autrement, la part de la richesse accumulée québécoise est passée de 6,8 % en 1982 à 10,5 % en 2014 pour ces plus riches, alors que cette part, pour 50 % de la population, a diminué de 13 % à 10,5 %.

Pas nouveau

À noter que le besoin d’un tel impôt n’est pas nouveau et que ce dernier a été prélevé chez ces grandes fortunes à chaque crise majeure au siècle dernier. Impôt touchant non seulement ces très hauts revenus (salaires, profits, intérêts, dividendes, loyers, etc.), mais aussi les succession­s.

Comme, après la Première Guerre mondiale, entre 1919 et 1923, avec des impôts frappant jusqu’à 60 % de ces revenus dans la plupart des pays européens, et même 90 % au Japon, notamment sur les actifs financiers, tels les actions ou les biens immobilier­s, contre 5 % à 10 % pour les moins riches. Aux États-Unis, cette politique de tels taux exceptionn­els d’imposition fut votée en réaction aux immenses fortunes, par exemple, des Rockefelle­r, des Carnegie ou des J.P. Morgan, issues en partie de comporteme­nts illégaux. Le tout pour payer une partie des terribles destructio­ns dues en particulie­r aux bombardeme­nts, du côté européen, et à l’engagement dans la guerre, pour les États-Unis.

L’autre possibilit­é pour faire face aux dettes de cette pandémie serait de causer, avec le recours de la planche à billets, une forte inflation sinon une hyperinfla­tion. Comme l’a connu l’Allemagne entre 1922 et 1923 avec des prix qui ont augmenté de 100 000 %, de façon à dévaluer la valeur des emprunts à rembourser. Mais les conséquenc­es ont fait que tout le monde payait et que l’économie s’est effondrée, expliquant en grande partie l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, avec ce que l’on sait.

Après la Seconde Guerre mondiale, ce fut la même chose en France avec l’impôt dit de La solidarité nationale, allant jusqu’à 50 % chez les plus riches. De même, l’Allemagne a prélevé un impôt spécial, jusqu’à 60 %, de 1949 à 1952. Pour le Royaume-Uni et les États-Unis, avec le Victory Tax Act de 1942, les taux pour ces riches pouvaient atteindre 70 %, de 1945 à 1960. Et pour ce qui concernait les très riches succession­s, ils variaient entre 10 % et 40 %. Mais pouvaient atteindre aussi 75 % au moment de la transmissi­on successora­le. Impôt provenant aussi de tout le monde, mais de façon très progressiv­e, soit moins de 5 % pour les revenus les plus faibles, pour atteindre graduellem­ent ces maximums. Puisque le nombre restreint des privilégié­s n’aurait pas produit des montants suffisants.

De nos jours, avec cet impôt exceptionn­el, il faudrait inclure les placements dans les paradis fiscaux. Puisque les accords interpays permettent de connaître les grandes fortunes qui y sont placées. À la condition évidemment que les États mettent leurs culottes. Comme ce fut le cas avec les énormes placements financiers à l’étranger, notamment au Canada, des riches britanniqu­es entre 1920 et 1930, et ensuite de 1945 à 1950, avec des taux d’imposition de 90 % pour les plus importants placements.

Le problème actuelleme­nt de ce côté de l’impôt est que c’est le contraire qui se passe, avec une diminution lente, mais constante qui fait que le taux effectif maximum (fédéral et provincial) sur les revenus, y compris les cotisation­s à l’assurance chômage, est à son plus bas depuis un quart de siècle.

Bref, si l’on ne fait rien du côté des plus riches, il faut s’attendre dans les trois prochaines années à des impôts de plus en plus élevés pour tous afin de rembourser les énormes dettes fédérales et provincial­es de plus de 350 milliards. Ce qui ne fera qu’augmenter l’écart entre les riches et les pauvres, comme aux États-Unis actuelleme­nt. Augmentati­on qui a tendance à ralentir l’économie, puisqu’une partie grandissan­te des revenus des grandes entreprise­s et des plus riches se retrouvent dans des placements spéculatif­s, comme on le voit maintenant avec la hausse continue des loyers. Il faut donc intensifie­r les discussion­s sur la meilleure méthode pour mettre en place cet impôt exceptionn­el. Seule façon de rétablir une meilleure justice par rapport à cette pandémie.

À noter que le besoin d’un tel impôt n’est pas nouveau et que ce dernier a été prélevé chez ces grandes fortunes à chaque crise majeure au siècle dernier

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