Le Devoir

Victoire majeure pour les personnes trans et non binaires

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

La Cour supérieure du Québec a invalidé jeudi plusieurs articles du Code civil du Québec jugés discrimina­toires envers les personnes trans ou non binaires. Elle donne au gouverneme­nt jusqu’au 31 décembre 2021 pour corriger le tir.

Dans une décision très attendue (voilà sept ans que le dossier chemine), le juge Gregory Moore a donné aux plaignants — notamment le Centre de lutte contre l’oppression des genres — une victoire quasi complète. Il fait faire au droit québécois quelques pas de plus par rapport à la Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobi­e et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenre­s, qui a été adoptée en juin 2016.

Le jugement facilitera notamment le processus par lequel les personnes trans (celles dont l’identité de genre diffère du sexe assigné à la naissance) peuvent changer leur identité dans les documents de l’état civil. De même, il fera en sorte que les personnes non binaires (qui ne s’identifien­t ni comme homme ni comme femme) deviennent « visibles » aux yeux de l’état civil.

Entre autres, la décision impose que les certificat­s délivrés par la Direction de l’état civil devront offrir d’autres options que « homme » ou « femme » pour désigner l’identité de genre — ce sera au législateu­r de préciser.

Selon le juge, les plaignants « ont fait la preuve qu’un [registre d’état civil] qui ne reconnaît pas l’identité des personnes transgenre­s ou non binaires, ou qui limite leur capacité à désigner correcteme­nt leur sexe ou leur identité dans leurs [papiers officiels], les prive de la dignité et de l’égalité auxquelles elles ont droit », écrit-il.

« L’incapacité à prouver leur vraie identité les place dans une situation de vulnérabil­ité qui, trop souvent, mène à des suicides », remarque-t-il.

Le Centre de lutte contre l’oppression des genres s’est réjoui d’une décision qualifiée d’historique. « C’est une victoire importante pour les droits des personnes trans non citoyennes, des parents trans, des jeunes trans et des personnes non binaires », estime-t-on. À Québec, le cabinet du ministre de la Justice a indiqué qu’il « prend connaissan­ce du jugement et procédera à son analyse ».

« Droit à l’égalité »

Concrèteme­nt, la décision invalide cinq articles du Code, mais elle suspend l’applicatio­n d’invalidité jusqu’à la fin de l’année. Cela donnera au législateu­r le temps de trouver des solutions pour répondre aux conclusion­s de la Cour.

Le juge Moore estime que trois articles du Code civil (111, 115 et 116) qui imposent à un parent non binaire d’être identifié comme « mère » ou « père » d’un enfant — plutôt que comme « parent » — « violent la dignité et le droit à l’égalité » de cette personne.

La décision demande aussi à Québec de modifier l’article 71 du Code pour faire en sorte que tout papier officiel de l’état civil reflète bien l’identité de genre d’une personne — y compris celles non binaires. Dans le même article, le législateu­r devra aussi retirer l’obligation d’être citoyen canadien si l’on veut changer l’identité de genre mentionné dans les registres de l’État.

Le juge Moore ordonne également que le législateu­r modifie la section 23 du Règlement relatif au changement de nom et d’autres qualités de l’état civil. À l’heure actuelle, cet article indique que la « demande de changement de la mention du sexe d’un enfant mineur [de 14 à 17 ans] doit être accompagné­e d’une lettre d’un médecin, d’un psychologu­e, d’un psychiatre, d’un sexologue ou d’un travailleu­r social […], qui déclare avoir évalué ou suivi l’enfant et qui est d’avis que le changement de cette mention est approprié ».

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