Le Devoir

Discrimina­tion à l’embauche au gouverneme­nt fédéral

- RAPPORT

Les membres de minorités visibles, les Autochtone­s et les personnes handicapée­s font encore face à des obstacles à l’emploi au sein du gouverneme­nt canadien, constate un rapport de la Commission de la fonction publique (CFP) publié jeudi. Ils sont moins nombreux, proportion­nellement, à être embauchés qu’à postuler.

Par exemple, 30,4 % des candidats à la fonction publique étaient des membres des minorités visibles, indique le rapport de Vérificati­on de l’équité en matière d’emploi lors du recrutemen­t. Or, ils n’ont représenté que 24,7 % des nomination­s. Cette baisse était particuliè­rement marquée pour les personnes noires, dont la proportion est passée de 10,3 % à 6,6 % entre le début et la fin du processus de sélection. Pour arriver à leurs conclusion­s, les auteurs du rapport ont compilé les informatio­ns de 15 285 demandes d’emploi et 181 processus de nomination de 30 ministères et organismes fédéraux, achevés en 2016-2017.

Pour la Ligue des Noirs du Québec, ces chiffres démontrent que de la discrimina­tion systémique s’immisce dans le processus de recrutemen­t. « Les membres des minorités visibles veulent avoir les mêmes chances que les autres citoyens et ne pas être considérés comme des citoyens de seconde zone ou pire encore. Il est temps de passer à l’étape suivante et de faire en sorte que, pour une fois, il y ait un changement réel et pas seulement cosmétique », a fait valoir son président, Max Stanley Bazin.

Marie-Thérèse Chicha, titulaire de la Chaire en relations ethniques de l’Université de Montréal, est du même avis. Elle affirme par ailleurs que les différence­s culturelle­s sont souvent un obstacle lors des tests ou des entrevues d’embauche. « Des Autochtone­s ou des personnes originaire­s du Moyen-Orient ont tendance à hésiter à parler de leurs qualités personnell­es », donne-t-elle en exemple.

Facteurs pluriels

Pour sa part, le président de la CFP, Patrick Borbey, affirme que plusieurs facteurs sont en cause et qu’il sera nécessaire d’enquêter davantage pour les préciser. Il montre toutefois du doigt la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, qui prévoit que les citoyens canadiens ont priorité.

« Des milliers de résidents permanents postulent à des postes, mais en raison de la préférence canadienne, leur candidatur­e n’est pas retenue et on sait que les minorités visibles sont surreprése­ntées dans ce groupe. C’est une mesure systémique qui représente une barrière pour les groupes minoritair­es », a dit jeudi M. Borbey, qui souhaitera­it que le gouverneme­nt étudie la possibilit­é d’enlever cet élément de la loi. « Notre pays se doit de bien intégrer les nouveaux arrivants dans notre société et nos milieux de travail, et on se prive de certains talents », poursuit-il.

En réaction au rapport, la CFP invite les administra­teurs des organismes gouverneme­ntaux à examiner leurs pratiques afin d’éliminer les obstacles pour les minorités. Elle exigera également une formation sur les préjugés inconscien­ts pour tous les gestionnai­res responsabl­es d’embauches.

Mme Chicha croit pour sa part que, pour que les choses changent, les gestionnai­res doivent être responsabl­es des résultats de leurs organisati­ons en ce qui a trait à l’équité à l’emploi. Que leurs salaires et leurs promotions en dépendent, autrement dit.

Par ailleurs, la problémati­que de discrimina­tion à l’emploi est loin d’être propre au gouverneme­nt fédéral, estiment M. Bazin et Mme Chicha. Ils espèrent que d’autres employeurs décortique­ront aussi leurs pratiques, puisque le diagnostic est un premier pas vers le remède.

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