Les enseignants haussent le ton
Les syndicats brandissent la menace de grève devant l’impasse des négociations avec Québec
C’est la « grande priorité » du gouvernement Legault. Mais l’engagement de revaloriser la profession enseignante, répété sans relâche par la Coalition avenir Québec (CAQ), se heurte à un mur à la table de négociation entre Québec et les profs. La grogne gagne les rangs des enseignants après une année de discussions infructueuses.
Selon ce que Le Devoir a appris, les 49 000 membres de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) doivent débattre cette semaine d’une éventuelle grève générale illimitée qui serait déclenchée au moment jugé opportun. L’autre grand syndicat, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), qui compte 73 000 membres, a le mandat de tenir cinq jours de grève.
« Les gens me demandent : “Est-ce que la grève est une menace ?” La grève n’est pas une menace, mais un cri du coeur », affirme Josée Scalabrini, présidente de la FSE. Elle note que les infirmières ont obtenu une entente de principe après avoir bloqué des ponts, l’automne dernier.
« Le gouvernement se sert de la pandémie pour dire que les coffres sont vides, et surtout qu’on ne peut pas faire confiance aux profs. Il y a une colère qui s’exprime face à cela », ajoute Sylvain Mallette, président de la FAE. Sans confirmer la discussion sur la grève générale illimitée, il indique que « tout est sur la table ».
De grandes attentes
Le réseau scolaire a de grandes attentes envers cette négociation. Avant même la crise de la pandémie, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a promis des mesures fortes pour revaloriser la profession. Il a notamment fait des investissements importants pour embaucher du personnel ainsi que pour construire, agrandir et rénover des écoles.
Le ton rassurant du ministre Roberge tranche cependant avec les propositions jugées « méprisantes » du gouvernement à la table de négociation, font valoir les dirigeants syndicaux. La promesse d’éliminer les six premiers échelons salariaux des profs ne s’est ainsi jamais concrétisée : le Conseil du trésor propose plutôt de bonifier la rémunération prévue aux six premiers échelons — ce qui s’ajouterait aux augmentations négociées pour l’ensemble de la fonction publique.
Le salaire des enseignants à l’entrée dans la profession passerait de 46 000 $ à 50 000 $, souligne-t-on au cabinet de la ministre Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor.
Dans le cadre du forum sur la réussite éducative, le gouvernement a aussi proposé « une nouvelle façon de reconnaître les enseignants qui accepteront d’agir comme enseignant émérite », indique Florent Tanlet, attaché de presse de la ministre.
Québec met aussi en avant des mesures pour favoriser la stabilité des équipes-écoles en milieu défavorisé, en plus d’avoir « libéré les enseignants de la surveillance des récréations en projet pilote ».
Scepticisme dans les rangs
Toutes ces mesures sont accueillies par la grogne des syndicats. Le concept d’enseignant « émérite » est jugé nébuleux. À peine 400 de ces profs en « équivalent à temps plein » (pour près de 3000 écoles) joueraient un rôle qui semble indéfini pour le moment, selon les syndicats.
L’autonomie professionnelle des profs est aussi en jeu, font valoir les syndicats. Québec cherche ainsi à s’accorder le pouvoir d’encadrer les enseignants durant cinq heures par semaine qu’ils peuvent actuellement utiliser à leur guise pour faire de la correction, de la recherche ou d’autres tâches.
Le gouvernement cherche aussi à redéfinir une règle selon laquelle la présence d’élèves ayant de grandes difficultés entraîne une réduction du nombre d’élèves par classe. Des compensations financières accordées aux titulaires de classes formées d’élèves de plusieurs niveaux (par exemple 5e et 6e années) sont aussi jugées insuffisantes.