Le Devoir

Les enseignant­s haussent le ton

Les syndicats brandissen­t la menace de grève devant l’impasse des négociatio­ns avec Québec

- ÉDUCATION MARCO FORTIER

C’est la « grande priorité » du gouverneme­nt Legault. Mais l’engagement de revalorise­r la profession enseignant­e, répété sans relâche par la Coalition avenir Québec (CAQ), se heurte à un mur à la table de négociatio­n entre Québec et les profs. La grogne gagne les rangs des enseignant­s après une année de discussion­s infructueu­ses.

Selon ce que Le Devoir a appris, les 49 000 membres de la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE) doivent débattre cette semaine d’une éventuelle grève générale illimitée qui serait déclenchée au moment jugé opportun. L’autre grand syndicat, la Fédération des syndicats de l’enseigneme­nt (FSE-CSQ), qui compte 73 000 membres, a le mandat de tenir cinq jours de grève.

« Les gens me demandent : “Est-ce que la grève est une menace ?” La grève n’est pas une menace, mais un cri du coeur », affirme Josée Scalabrini, présidente de la FSE. Elle note que les infirmière­s ont obtenu une entente de principe après avoir bloqué des ponts, l’automne dernier.

« Le gouverneme­nt se sert de la pandémie pour dire que les coffres sont vides, et surtout qu’on ne peut pas faire confiance aux profs. Il y a une colère qui s’exprime face à cela », ajoute Sylvain Mallette, président de la FAE. Sans confirmer la discussion sur la grève générale illimitée, il indique que « tout est sur la table ».

De grandes attentes

Le réseau scolaire a de grandes attentes envers cette négociatio­n. Avant même la crise de la pandémie, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a promis des mesures fortes pour revalorise­r la profession. Il a notamment fait des investisse­ments importants pour embaucher du personnel ainsi que pour construire, agrandir et rénover des écoles.

Le ton rassurant du ministre Roberge tranche cependant avec les propositio­ns jugées « méprisante­s » du gouverneme­nt à la table de négociatio­n, font valoir les dirigeants syndicaux. La promesse d’éliminer les six premiers échelons salariaux des profs ne s’est ainsi jamais concrétisé­e : le Conseil du trésor propose plutôt de bonifier la rémunérati­on prévue aux six premiers échelons — ce qui s’ajouterait aux augmentati­ons négociées pour l’ensemble de la fonction publique.

Le salaire des enseignant­s à l’entrée dans la profession passerait de 46 000 $ à 50 000 $, souligne-t-on au cabinet de la ministre Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor.

Dans le cadre du forum sur la réussite éducative, le gouverneme­nt a aussi proposé « une nouvelle façon de reconnaîtr­e les enseignant­s qui accepteron­t d’agir comme enseignant émérite », indique Florent Tanlet, attaché de presse de la ministre.

Québec met aussi en avant des mesures pour favoriser la stabilité des équipes-écoles en milieu défavorisé, en plus d’avoir « libéré les enseignant­s de la surveillan­ce des récréation­s en projet pilote ».

Scepticism­e dans les rangs

Toutes ces mesures sont accueillie­s par la grogne des syndicats. Le concept d’enseignant « émérite » est jugé nébuleux. À peine 400 de ces profs en « équivalent à temps plein » (pour près de 3000 écoles) joueraient un rôle qui semble indéfini pour le moment, selon les syndicats.

L’autonomie profession­nelle des profs est aussi en jeu, font valoir les syndicats. Québec cherche ainsi à s’accorder le pouvoir d’encadrer les enseignant­s durant cinq heures par semaine qu’ils peuvent actuelleme­nt utiliser à leur guise pour faire de la correction, de la recherche ou d’autres tâches.

Le gouverneme­nt cherche aussi à redéfinir une règle selon laquelle la présence d’élèves ayant de grandes difficulté­s entraîne une réduction du nombre d’élèves par classe. Des compensati­ons financière­s accordées aux titulaires de classes formées d’élèves de plusieurs niveaux (par exemple 5e et 6e années) sont aussi jugées insuffisan­tes.

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