Le Devoir

L’opposant russe Alexeï Navalny envoyé en prison pour près de trois ans

Les pays occidentau­x ont appelé mardi à sa « libération immédiate »

- RUSSIE ANNA SMOLCHENKO

Un tribunal moscovite a ordonné mardi l’emprisonne­ment pour près de trois ans de l’opposant Alexeï Navalny, entraînant la condamnati­on unanime de l’Occident, sur fond de répression d’un mouvement de contestati­on.

États-Unis, Union européenne, Allemagne, France, Royaume-Uni… : tous ont appelé à sa « libération immédiate ».

Le ministère russe des Affaires étrangères a dénoncé des réactions occidental­es « déconnecté­es de la réalité » et une ingérence « dans les affaires d’un État souverain ».

La juge Natalia Repnikova a estimé mardi soir que celui qui s’est imposé en dix ans comme le principal détracteur de Vladimir Poutine avait violé son contrôle judiciaire et devait en conséquenc­e purger une peine de trois ans et demi de prison avec sursis datant de 2014, moins une dizaine de mois passés cette année-là assigné à résidence.

Selon son avocate, Olga Mikhaïlova, son client devrait donc effectuer « environ » deux ans et huit mois de prison. Mais il fera appel.

Quelque 1168 personnes ont été arrêtées dans la journée lors d’actions pro-Navalny, selon l’ONG OVD-Info, l’essentiel à Moscou (946) et à SaintPéter­sbourg (207), où des rassemblem­ents se sont tenus après l’annonce du verdict.

Une foule de policiers casqués et des fourgons cellulaire­s ont été rapidement déployés dans la nuit, au pied du Kremlin, puis à d’autres endroits de la capitale. Des correspond­ants de l’AFP ont vu des dizaines de manifestan­ts moscovites être frappés à coups de matraque.

Des médias russes ont également publié des vidéos montrant des protestata­ires poursuivis par la police dans le métro, ou d’autres sortis de force d’un taxi. Des violences contre des journalist­es ont également été signalées. iolemment à coups de matraque.

« Poutine voleur ! » ont scandé plusieurs centaines de manifestan­ts dans le centre-ville. « Il n’y a pas de justice dans ce pays », a déclaré à l’AFP Oksana, 36 ans..

Poutine « l’Empoisonne­ur »

Il s’agit de la première sentence longue pour M. Navalny, qui s’est spécialisé dans les enquêtes sur la corruption des élites et qui accuse le président russe d’avoir ordonné son empoisonne­ment en août.

L’opposant de 44 ans a écouté le jugement, mains dans les poches, dans la cage de verre réservée aux prévenus. Il a adressé des signes de coeur à son épouse, Ioulia.

À l’audience, il avait dénoncé une affaire destinée à « faire peur à des millions » de Russes. « Vous ne pourrez pas emprisonne­r tout le pays ! » a-t-il proclamé, en référence aux milliers d’arrestatio­ns ces deux derniers week-ends lors des rassemblem­ents d’opposition les plus importants depuis des années.

Alexeï Navalny a répété que M. Poutine était celui qui avait ordonné au FSB, les services de sécurité, de l’empoisonne­r. Il « entrera dans l’Histoire comme l’Empoisonne­ur de slips », a-t-il lâché.

En décembre, M. Navalny avait affirmé dans une vidéo avoir piégé au téléphone un agent du FSB qui révélait que le poison avait été appliqué sur un de ses sous-vêtements dans son hôtel en Sibérie. Les autorités ont rejeté ces accusation­s. Des laboratoir­es européens ont, eux, confirmé l’usage d’un poison de type Novitchok, développé par l’URSS à des fins militaires.

L’affaire examinée mardi concernait une requête des services pénitentia­ires qui accusaient M. Navalny de ne pas avoir respecté son contrôle judiciaire dans le cadre de sa condamnati­on avec sursis. Cette dernière avait été dénoncée par la Cour européenne des droits de l’homme.

M. Navalny a dit avoir raté des rendez-vous du fait de sa convalesce­nce en Allemagne. Mais la juge a estimé qu’il en avait manqué d’autres avant son hospitalis­ation.

L’opposant avait été arrêté le 17 janvier, à son retour en Russie.

Critiques occidental­es

La tentative d’assassinat et l’interpella­tion ont déclenché une volée de critiques occidental­es, sur fond de relations déjà délétères.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, est attendu vendredi à Moscou, alors que certains États membres prônent de nouvelles sanctions.

Mardi soir, le président français, Emmanuel Macron, a dénoncé l’emprisonne­ment de M. Navalny, estimant qu’« un désaccord politique n’est jamais un crime ». La chancelièr­e allemande, Angela Merkel, a qualifié ce verdict de « très éloigné des règles de l’État de droit » et demandé la fin de la répression des manifestat­ions.

L’opposant est encore la cible de multiples procédures. Vendredi, il comparaîtr­a pour « diffamatio­n » envers un ancien combattant. Il est aussi accusé d’escroqueri­e dans un autre dossier.

Nombre de ses collaborat­eurs ont été assignés à résidence, incarcérés ou poursuivis. L’opposant a néanmoins réussi à mobiliser des dizaines de milliers de partisans les 23 et 31 janvier dans une centaine de villes russes.

Cette contestati­on d’une ampleur inédite depuis des années survient à l’approche de législativ­es à l’automne et sur fond d’impopulari­té du parti au pouvoir.

Elle est aussi alimentée par la diffusion d’une enquête de M. Navalny accusant Vladimir Poutine d’être le bénéficiai­re d’un « palais », qui a été vue plus de 100 millions de fois sur YouTube. Le président russe a dû démentir cette allégation en personne.

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ALEXEY PAVLOVSKY AGENCE FRANCE-PRESSE L’opposant russe Alexeï Navalny, 44 ans, a écouté le jugement, mardi, dans la cage de verre réservée aux prévenus au tribunal de Moscou. Il a adressé des signes de coeur à son épouse, Ioulia.

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