Le Devoir

Un manque de diversité flagrant dans une publicité gouverneme­ntale

- Rayane Zahal Chargée de projet, Maison d’Haïti *

Samedi dernier, le premier ministre François Legault et son gouverneme­nt étaient fiers de nous présenter une nouvelle publicité réalisée en partenaria­t avec le Canadien de Montréal. « On est tous dans la même équipe contre la COVID19 », peut-on y lire. « Fortin, Tremblay, Joseph, Sioui, Lévesque, Bergeron, Toulouse, Sauvé, Caron, Murphy, Boucher et Vaillancou­rt », peut-on y entendre. Le gouverneme­nt caquiste nous présentait un lineup qui sonnait faux aux oreilles de plusieurs Québécoise­s et Québécois en raison de son manque de diversité flagrant. Et non, on ne leur donnera pas une tape sur l’épaule parce qu’un Joseph a été inclus comme un bon token noir.

Ceci n’est pas un caprice de « gauchistes », que les détracteur­s des mouvements anti-racistes et anti-oppressifs de ce monde aiment dépeindre comme des pleurnicha­rds. Les médias, le divertisse­ment et le sport, en particulie­r le hockey, marquent les esprits et laissent leur empreinte dans l’imaginaire collectif. Le message pas-si-subliminal que fait passer cette publicité, c’est que l’on n’est pas dans la même équipe. Ce manque de diversité est un manque de respect envers les travailleu­rs de la santé racisés et issus de l’immigratio­n. En juin dernier, un rapport de Statistiqu­e Canada révélait que, lors du plus récent recensemen­t, réalisé en 2016, 36 % des aides-infirmiers, aides-soignants et préposés aux bénéficiai­res au Canada n’étaient pas des

Un coup de pub qui aurait interpellé toutes les personnes concernées aurait été bien plus efficace pour rallier nos troupes et atteindre nos objectifs de santé publique, mais le gouverneme­nt Legault a choisi de faire autrement

Fortin-Tremblay-Sauvé-Caron, mais bel et bien des immigrants aux noms trop exotiques pour les oreilles de certains. Il va sans dire que, depuis le début de la crise de la COVID-19, les travailleu­rs racisés, parfois surqualifi­és, ont été au front dans les CHSLD et les services essentiels, avec peu de reconnaiss­ance outre les encouragem­ents du type « J’peux pas t’aider, mais tiens bon ! ».

C’est aussi dans les quartiers les plus défavorisé­s de Montréal et dans ceux qui accueillen­t un grand nombre d’immigrants que la COVID-19 a fait le plus de dégâts. Alors que l’opinion publique fait le procès des groupes minoritair­es pour les éclosions dans leurs communauté­s, on se voile les yeux devant les déterminan­ts socioécono­miques qui les rendent inévitable­s. Des inégalités systémique­s font que 21 % des Noirs canadiens connaissen­t une personne décédée de la COVID-19, contre 8 % pour les non-Noirs, selon une étude du Boston Consulting Group. Augmentati­on du taux de chômage, plus grandes chances d’attraper le virus — les personnes racisées souffrent davantage des effets de la crise sanitaire, selon l’Observatoi­re québécois des inégalités, et ce, sans compter l’augmentati­on des comporteme­nts discrimina­toires et du racisme anti-asiatique. Vingt-et-un pour cent des personnes issues des minorités visibles vivent et ressentent cette exacerbati­on des incidents de harcèlemen­t et d’attaques racistes.

Un coup de pub qui aurait interpellé toutes les personnes concernées aurait été bien plus efficace pour rallier nos troupes et atteindre nos objectifs de santé publique, mais le gouverneme­nt Legault a choisi de faire autrement. Il reste à voir si cette erreur, quoique très gênante, n’était que de la maladresse ou le reflet du racisme systémique nié par le gouverneme­nt. Quoi qu’il en soit, ne nous laissons pas distraire et continuons à revendique­r l’élargissem­ent des critères pour les anges demandeurs d’asile. Une reconnaiss­ance et un plan d’action concret contre le racisme systémique, dont cette publicité est un exemple, s’imposent.

* Cette lettre est signée par plus d’une centaine de personnes, dont on trouvera la liste sur nos plateforme­s numériques.

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