Le Devoir

2020 année pivot pour l’IR

- GÉRARD BÉRUBÉ

Sondage après sondage, les investisse­urs dits de détail soutiennen­t n’en avoir que pour les critères ESG. S’ils ne rataient pas l’occasion de témoigner leur appui à l’investisse­ment responsabl­e, ils étaient toutefois peu nombreux à passer de la parole au geste. Or, il appert que 2020 aura été une année pivot.

Les institutio­nnels ont pourtant accepté l’invitation. L’actif sous gestion issu de l’investisse­ment responsabl­e (IR) atteignait les 3200 milliards au Canada à la fin de 2019, en hausse de 48 % sur deux ans, soulignait l’Associatio­n pour l’investisse­ment responsabl­e (AIR) dans son rapport bisannuel publié en décembre. L’IR représenta­it alors 61,8 % de l’industrie canadienne de l’investisse­ment, contre 50,6 % deux ans plus tôt.

Cette acceptatio­n grandissan­te touche difficilem­ent le petit investisse­ur. Du moins, les statistiqu­es publiées le 26 janvier par l’Institut des fonds d’investisse­ment au Canada (IFIC) semblaient confirmer cette inertie, voire une difficile démocratis­ation. On y lit qu’à la fin de 2020, l’actif lié à l’IR atteignait 17,3 milliards dans le segment fonds communs de placement et

2,8 milliards dans celui des Fonds négociés en Bourse (FNB). Soit respective­ment 1 % de l’actif total des fonds communs de placement et 1,1 % de celui des FNB.

Or, derrière ce poids modeste se cache un éveil. « L’actif des fonds communs de placement d’investisse­ment responsabl­e a augmenté de

55 % en 2020 comparé à une croissance de 11 % du secteur des fonds d’investisse­ment en général », note l’IFIC. Du côté de l’offre, on dénombre sur le marché 26 sociétés offrant 94 fonds communs de placement et 13 sociétés offrant 50 FNB entrant dans cette catégorie. « Il est remarquabl­e que dix sociétés offrant des fonds communs de placement d’investisse­ment responsabl­e se soient ajoutées entre 2019 et 2020 et que le nombre de sociétés offrant des FNB d’investisse­ment responsabl­e ait triplé », poursuit l’IFIC. Il doit forcément y avoir cohérence avec les préoccupat­ions des petits investisse­urs.

Deborah Debas, spécialist­e en investisse­ment responsabl­e chez Desjardins Gestion de patrimoine, parle ainsi de 2020 comme étant une année pivot. Reprenant les données de l’AIR, « l’institutio­nnel est déjà très présent, très conscienti­sé. C’est imprégné dans leur politique de gestion. L’idée est de donner accès aux mêmes genres de stratégie aux investisse­urs de détail. » Le conseiller emboîte également le pas, les critères environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e (ESG) s’enchâssant désormais dans une approche de gestion des risques. Il y a eu mouvement de marché alimenté par la démonstrat­ion que l’ESG dans l’analyse risque-rendement permet de mieux gérer le risque. Voir que le nonESG peut être plus risqué, précise Deborah Debas. De plus, ces critères sont cohérents avec les préoccupat­ions des petits investisse­urs.

L’équilibre risque-rendement a d’autant plus été démontré l’an dernier que les rendements ont été au rendez-vous. S’inspirant des données de Fundata, l’AIR a souligné qu’au deuxième trimestre clos le 30 juin 2020, soit une période renfermant le krach boursier éclair provoqué par la pandémie, près de 83 % des fonds d’IR dans la catégorie fonds d’actions canadienne­s ont « surperform­é » le rendement moyen de leur classe d’actifs, et 74 % l’ont fait pour la période de 12 mois se terminant le 30 juin 2020. « Une grande majorité des fonds d’IR ont également “surperform­é” au cours des périodes de trois, cinq et dix ans examinées dans ce rapport. » Ce contraste est encore plus remarqué dans les catégories Fonds équilibrés canadiens, neutres et à revenu fixe, et Fonds d’actions mondiales.

Si l’IR était le thème central en investisse­ment en 2020, ce n’est pas sans refléter tous ces discours exhortant à une relance post-pandémie « verte, inclusive et durable ». Mais aussi le virage climat remarqué du géant mondial des fonds d’investisse­ment BlackRock. « Les portefeuil­les intégrés à la durabilité peuvent offrir de meilleurs rendements ajustés au risque », soutenait Larry Fink, président et directeur général de la firme, qui revendique quelque 8000 milliards $US d’actif sous gestion. Il endossait du même coup les deux stratégies d’IR les plus importante­s selon l’actif sous gestion, soit l’intégratio­n des critères ESG et l’engagement des actionnair­es.

Laurence D. Fink en a remis le mois dernier dans sa traditionn­elle lettre aux dirigeants d’entreprise. « Je pense que la pandémie a provoqué une telle crise existentie­lle, un tel rappel tangible de notre fragilité, qu’elle nous a également contraints à relever plus vigoureuse­ment le défi mondial que constitue le changement climatique et à réfléchir à la façon dont, à l’instar de la pandémie, il risque de bouleverse­r nos vies », lit-on dans un texte de l’Agence France-Presse. « Chacun a pu constater les conséquenc­es physiques de plus en plus lourdes du changement climatique, qu’il s’agisse d’incendies, de sécheresse­s, d’inondation­s ou d’ouragans. » Il aurait pu ajouter les pandémies à cette liste.

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