Le Devoir

Avec le télétravai­l vient la hausse des cyberattaq­ues

Une situation qui profite à des start-up québécoise­s spécialisé­es en sécurité informatiq­ue

- TECHNOLOGI­E ULYSSE BERGERON

Devant la hausse des cyberattaq­ues et des tentatives d’hameçonnag­e en raison du télétravai­l, les entreprise­s informatiq­ues n’ont d’autres choix que de resserrer leurs mesures de sécurité. Une situation qui profite à des start-up qui y voient une occasion de faire des affaires.

« Les cyberattaq­ues fonctionne­nt un peu à la façon de l’électricit­é. Elles vont se produire là où il y a le moins de résistance », illustre Lukas Lhotsky, président de FX Innovation, une compagnie montréalai­se qui accompagne des entreprise­s dans le déploiemen­t d’infrastruc­tures informatiq­ues.

Depuis le début de la pandémie, le nombre de cyberattaq­ues a considérab­lement augmenté. Il aurait crû de 151 % au cours des six premiers mois de 2020 comparativ­ement à la même période l’année précédente, selon une étude du Centre des opérations de sécurité de la firme américaine d’analyses Neustar. Non seulement ces actes malveillan­ts étaient plus nombreux, mais leur durée était également plus longue.

Il faut dire que l’augmentati­on de la pratique du télétravai­l a multiplié les risques : utilisatio­n d’appareils personnels et augmentati­on des transferts d’informatio­ns sensibles d’un lieu à un autre. « Évidemment, le travail à distance n’est pas l’unique raison, mais ça a accentué une tendance de fond qui était déjà observable depuis plusieurs années », soutient Lukas Lhotsky.

Outre la multiplica­tion des lieux, « il y a des organisati­ons qui se sont retrouvées dans une situation financière précaire », observe de son côté Marcel Labelle, directeur général de Cybereco, un organisme qui s’intéresse à la cyberrésil­ience et qui regroupe de nombreuses entreprise­s et université­s. « Et si leurs dirigeants n’étaient pas en mesure d’évaluer convenable­ment les risques, inévitable­ment, ces entreprise­s s’exposent. »

Suivre la trace des données

L’accroissem­ent du nombre de cyberattaq­ues n’étonne en rien Jean Le Bouthillie­r, p.-d.g.-fondateur de Qohash, une start-up de Québec spécialisé­e en cybersécur­ité. L’année 2020 marque un point d’inflexion, estime-t-il. « Il y a eu une transition forcée vers le travail à distance qui s’ajoute à une accélérati­on de la transforma­tion numérique qui était déjà en cours avant la crise. On assiste actuelleme­nt à une sorte de rattrapage. »

De plus, le travail à distance a, selon lui, permis de constater l’ampleur de la dépendance à l’égard d’une ressource : la donnée. « La donnée est intéressan­te parce que, plus on la maîtrise, plus on peut devenir efficace. Par contre, plus on l’utilise, plus on en devient dépendant. Et c’est là où la question de la sécurité devient importante. »

Qohash a développé une technologi­e qui s’appuie en partie sur l’intelligen­ce artificiel­le. Celle-ci permet de cibler les informatio­ns sensibles et d’en assurer la traçabilit­é. « On est capable de savoir sur quel poste de travail se trouve une informatio­n en particulie­r. À partir de là, il est possible d’évaluer un employé en termes de risques. » Quels sont ceux qui détiennent la plus grande quantité de données sensibles ? Quels sont ceux dont les comporteme­nts sont les plus à risque ?

Le contexte actuel aura facilité l’obtention de huit millions de dollars canadiens lors de la plus récente ronde de financemen­t de la start-up en janvier. D’autant plus que Qohash déploie sa solution dans des secteurs ciblés régulièrem­ent par les cyberattaq­ues : les institutio­ns financière­s et les compagnies d’assurances.

Une récente étude de la firme Varonis relate l’importance du problème dans l’industrie financière en contexte de télétravai­l : un employé aurait accès à « 13 % du nombre total des fichiers » d’une société. Ceux-ci peuvent « visualiser, copier, déplacer, modifier et supprimer des données » sensibles.

Le risque gagne en importance en fonction de la taille de l’institutio­n : « Le nombre de fichiers exposés double à mesure que la taille de l’entreprise augmente ». Aux États-Unis, les plus grandes institutio­ns financière­s auraient en moyenne plus de 20 millions de dossiers accessible­s aux employés, selon Varonis.

Plus que jamais, la maîtrise et la protection des données s’imposent à la fois comme le levier d’une organisati­on et comme son principal talon d’Achille, estime M. Le Bouthillie­r : « La donnée, ça va être le plus grand créateur et destructeu­r d’entreprise­s au cours des prochaines décennies. »

Prévention

Outre les solutions informatiq­ues, il y a la prévention et la planificat­ion. Deux aspects non négligeabl­es pour Lukas Lhotsky de FX Innovation : « On le dit souvent, mais il n’y a pas que le système qui sert de porte d’entrée. Très souvent, le problème se trouve devant l’écran ; le facteur humain joue pour beaucoup », rappelle-t-il.

C’est le cas lors de tentatives d’hameçonnag­e. Leur nombre a considérab­lement augmenté depuis le début de la pandémie. Cet automne, la firme Atlas VPN relatait une hausse de 19,91 % du nombre de sites Web servant à l’hameçonnag­e, tel que recensé par Google. Leur nombre dépasserai­t aujourd’hui deux millions.

À cela s’ajoute la mise en place d’une stratégie pour réagir promptemen­t en cas de pépin. Lukas Lhotsky cite la mise en place d’un plan de reprise d’activités (Disaster Recovery Plan) qui permet de reconstitu­er un système informatiq­ue s’il est attaqué. « Personne n’a envie d’être le maillon faible à l’origine d’actes malveillan­ts », dit-il.

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