Le Devoir

Six jours en détention, rongé par la peur

L’homme qui a été accusé à tort de tentative de meurtre d’un policier espère obtenir réparation

- AMÉLI PINEDA

Après avoir été accusé à tort de tentative de meurtre contre un policier, Mamadi III Fara Camara, encore ébranlé, tente de se reposer auprès de sa famille. Ne sachant pour l’heure s’il poursuivra le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), il espère obtenir réparation après cette mésaventur­e.

« Pour l’instant, M. Camara veut prendre son temps. On sera là pour l’épauler s’il veut aller de l’avant avec quelque chose, mais pour l’instant il prend du repos », mentionne Me Cédric Materne, qui représente celui qui a été faussement montré du doigt comme étant l’agresseur du policier Sanjay Vig.

Au lendemain du retrait des accusation­s contre lui, M. Camara n’a pas souhaité s’adresser aux médias. Son avocat souligne cependant que l’homme de 31 ans, dont la conjointe est enceinte de jumeaux, est encore choqué par les événements. « D’un côté, il y a la détention, mais il y a aussi la façon dont il a été dépeint [publiqueme­nt]. Ce n’est pas facile pour lui de voir tout ce qui a été dit alors que ce n’était pas lui le bon suspect », explique Me Materne.

C’est rongé par la peur et dans une totale incompréhe­nsion que le chargé de laboratoir­e à Polytechni­que a passé six jours en détention, clamant son innocence, lui qui se serait visiblemen­t trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment.

« Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il n’y avait aucune preuve directe, la preuve était circonstan­cielle. On parle de témoignage­s de témoins, qui ont décrit une agression, les cheveux du suspect, le manteau », souligne son avocat. « Nous lui avions parlé pendant sa détention et il avait très peur, il ne comprenait pas ce qui se passait », ajoute-t-il.

Homme sans histoire

L’agent Vig a été sauvagemen­t attaqué le 28 janvier dernier après avoir intercepté un automobili­ste sur le boulevard Crémazie, en bordure de l’autoroute Métropolit­aine à Montréal. M. Camara est bel et bien celui qui a été arrêté par le policier, mais contrairem­ent à ce qui a été avancé par les autorités, il n’a pas été l’auteur de l’altercatio­n, mais plutôt un des témoins de celle-ci.

« M. Camara leur a dit qu’il n’était pas la personne qu’ils cherchaien­t. Ce qu’on lui reprochait ne correspond­ait pas avec le profil de M. Camara, qui est un homme qui n’a pas d’antécédent­s judiciaire­s, une personne au doctorat, une personne calme. Ça ne fonctionna­it pas, mais ils l’ont quand même arrêté et accusé », souligne son avocat, Me Materne.

La version du SPVM voulait qu’un automobili­ste intercepté relativeme­nt à une infraction au Code de la sécurité routière s’en soit pris physiqueme­nt à un policier dans le secteur de Parc-Extension. Le SPVM rapportait « une altercatio­n lors de laquelle le policier aurait été désarmé et blessé », mais ne pouvait préciser s’il avait été atteint par un projectile.

M. Camara a été arrêté après avoir lui-même alerté le 911. Il clamait son innocence depuis le début. C’est finalement l’analyse plus poussée d’une vidéo d’une caméra du ministère des Transports qui a mené à l’arrêt des procédures contre le Montréalai­s.

Dans l’immeuble de huit logements où demeure M. Camara, les voisins s’expliquent mal comment ce futur père de famille, étudiant à Polytechni­que, a pu vivre ce cauchemar. « Les policiers sont débarqués ici et ils nous ont tous questionné­s. À un certain moment, on m’a même demandé si j’avais vu l’arme », a confié un des voisins de M. Camara, qui a requis l’anonymat par crainte de représaill­es.

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Selon l’avocat de Mamadi Fara Camara, l’homme de 31 ans est encore choqué par les événements.

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