L’enseignement à distance ne remplace pas celui en présence
Lettre envoyée au premier ministre du Québec, François Legault,
Dans le contexte d’une réouverture partielle des activités au Québec, nous pensons qu’il est essentiel de rouvrir les cégeps et les universités dans une mesure plus importante qu’une seule fois par semaine. Le geste est grandement apprécié, mais reste insuffisant, et nous espérons qu’il s’agit d’une volonté ferme de permettre un retour en grande partie en présentiel.
Nous en appelons aussi à la volonté des directions des cégeps et des universités pour répondre promptement à la directive du gouvernement, montrer leur capacité d’adaptation face à la situation ; il serait tragique qu’une inertie se fasse sentir du côté des directions, qu’une sorte de confort dans l’enseignement à distance vienne freiner la réouverture demandée. Cela priverait encore durement les étudiants des importantes occasions de sociabilité que leur offre l’expérience post-secondaire.
L’enseignement à distance ne remplace aucunement en qualité celui en présence. En tant que parents, cliniciens, chercheurs, et professeurs universitaires, nous espérons grandement que les directions des écoles supérieures proposeront très vite de retourner à l’enseignement majoritairement en présentiel, qui remplit un besoin vital pour le développement psychosocial et émotionnel de nos jeunes citoyens.
Nous espérons grandement que les directions des écoles supérieures proposeront très vite de retourner à l’enseignement majoritairement en présentiel, qui remplit un besoin vital pour le développement psychosocial et émotionnel de nos jeunes citoyens
Le contexte plus large de l’arrivée de nouveaux variants de la COVID-19 nous donne à réfléchir. Comme les épidémiologistes le soutiennent, des stratégies de « protection focalisée » seront nécessaires pour protéger les différents groupes de population selon leurs profils de risques. De nombreuses études démontrent que les jeunes de moins de 40 ans sont moins à risque de mortalité et de complications liées à la COVID-19, mais ils courent un risque beaucoup plus élevé que leurs aînés de développer des troubles de santé mentale liés au confinement et à l’isolement social.
Dans cette nouvelle réalité, les étudiants des cycles supérieurs ne devraient plus avoir à porter un poids disproportionné quant à leur responsabilité.
Dans les heures les plus sombres de la pandémie, les travailleurs de la construction sont restés sur les chantiers, les bureaux sont restés ouverts, les manufactures n’ont pas fermé, les plateaux de tournage ont continué de fonctionner, avec masques, lavage de mains et distanciation, et les avions ont continué leurs allers-retours vers d’autres pays. Les enfants et les ados ont continué d’apprendre en présentiel et les garderies sont restées ouvertes.
Les étudiants des cégeps et des universités ont été privés de leurs écoles et de leurs enseignants, alors que ce sont des adultes responsables et sérieux, tellement sérieux qu’ils se sont engagés dans des études supérieures. Cet isolement a causé chez nombre d’entre eux le décrochage, une « deuxième pandémie » de dépression, d’anxiété et de suicides, et la perte de la qualité de l’enseignement que l’on connaît.
Les appels à l’aide ont été nombreux d’étudiants et d’enseignants au bout du rouleau, vous les avez entendus et nous vous en remercions grandement, mais il ne faut pas s’arrêter à des mesures timides. Il faut mettre les études post-secondaires au centre de nos priorités. Il est possible et urgent de le faire, en utilisant tous les moyens à notre disposition, y compris, entre autres, les gestes barrières, les tests rapides et le retour à l’enseignement présentiel afin de garantir aux étudiants les études auxquelles ils ont pleinement droit.
Texte co-signé avec : Ariane Cordeau, mère d’étudiantes à l’université et autrice ; Ana Gomez-Carrillo, mère et psychiatre ; Guy Rocher, grand-père et sociologue ; et Samuel Veissière, professeur adjoint, Département de psychiatrie, Université McGill.