Vie et mort d’une Québécoite
Grande intellectuelle et vive intelligence, historienne de formation, passionnée de la littérature et ancienne professeure de sociologie qui a nourri des brassées d’étudiants, l’écrivaine Régine Robin est morte des suites d’une maladie, à 81 ans.
Elle s’est éteinte à Montréal, ville qui, avec Paris, partageait son coeur et ses temps. Mme Robin laisse une oeuvre intellectuelle importante : vingt livres, protéiformes et atypiques, comme une traversée très libre des genres et des savoirs. « Elle était une femme-orchestre de l’intellectualité : une historienne, une essayiste, une romancière » résume, ému, son collègue en analyse du discours et ami Marc Angenot. « Elle s’est intéressée à énormément de choses, de l’histoire du marxisme à la judéité, en passant par l’histoire des livres, et par les villes. »
Née en 1939 à Paris, juive, elle passera sa petite enfance sous l’Occupation. L’an dernier, elle écrivait comment les confinements imposés autour de la pandémie rappelaient de la guerre la même « nécessité de se terrer, de se cacher, de ne pas sortir », et réactivait des traumatismes. Dans son parcours, Régine Robin a d’abord été « l’Académique parfaite », selon Julien Lefort-Favreau, professeur de littérature à l’Université Queen’s. « C’est une méga nerd. École normale supérieure à une époque où les filles y étaient rares, Sorbonne, son cursus est impeccable. »
L’autrice s’est éteinte à Montréal, ville qui, avec Paris, partageait son coeur et son temps
La première partie de son oeuvre est plus classique. Régine Robin pense dans Histoire et linguistique (1973) le fait que l’histoire n’est pas neutre. « Elle entame sa réflexion sur la subjectivité, qui va s’affirmer à son arrivée à Montréal » en 1977, poursuit le professeur à l’UQAM Simon Harel, qui a eu, à 20 ans, Mme Robin comme professeur. « Il y a un déploiement de sa pensée qui se fait alors. Son oeuvre va prendre d’autres tangentes. »
La Québécoite (1983) est son livre ayant rejoint le plus large public. Parmi les premiers textes de l’écriture migrante — après Naïm Kattan et Marco Micone, avant Ying Chen —, la faculté de théorisation de Mme Robin en fait un roman emblématique du mouvement. Cette autofiction, où l’autrice