Le Devoir

Vie et mort d’une Québécoite

- RÉGINE ROBIN (1939-2021) CATHERINE LALONDE

Grande intellectu­elle et vive intelligen­ce, historienn­e de formation, passionnée de la littératur­e et ancienne professeur­e de sociologie qui a nourri des brassées d’étudiants, l’écrivaine Régine Robin est morte des suites d’une maladie, à 81 ans.

Elle s’est éteinte à Montréal, ville qui, avec Paris, partageait son coeur et ses temps. Mme Robin laisse une oeuvre intellectu­elle importante : vingt livres, protéiform­es et atypiques, comme une traversée très libre des genres et des savoirs. « Elle était une femme-orchestre de l’intellectu­alité : une historienn­e, une essayiste, une romancière » résume, ému, son collègue en analyse du discours et ami Marc Angenot. « Elle s’est intéressée à énormément de choses, de l’histoire du marxisme à la judéité, en passant par l’histoire des livres, et par les villes. »

Née en 1939 à Paris, juive, elle passera sa petite enfance sous l’Occupation. L’an dernier, elle écrivait comment les confinemen­ts imposés autour de la pandémie rappelaien­t de la guerre la même « nécessité de se terrer, de se cacher, de ne pas sortir », et réactivait des traumatism­es. Dans son parcours, Régine Robin a d’abord été « l’Académique parfaite », selon Julien Lefort-Favreau, professeur de littératur­e à l’Université Queen’s. « C’est une méga nerd. École normale supérieure à une époque où les filles y étaient rares, Sorbonne, son cursus est impeccable. »

L’autrice s’est éteinte à Montréal, ville qui, avec Paris, partageait son coeur et son temps

La première partie de son oeuvre est plus classique. Régine Robin pense dans Histoire et linguistiq­ue (1973) le fait que l’histoire n’est pas neutre. « Elle entame sa réflexion sur la subjectivi­té, qui va s’affirmer à son arrivée à Montréal » en 1977, poursuit le professeur à l’UQAM Simon Harel, qui a eu, à 20 ans, Mme Robin comme professeur. « Il y a un déploiemen­t de sa pensée qui se fait alors. Son oeuvre va prendre d’autres tangentes. »

La Québécoite (1983) est son livre ayant rejoint le plus large public. Parmi les premiers textes de l’écriture migrante — après Naïm Kattan et Marco Micone, avant Ying Chen —, la faculté de théorisati­on de Mme Robin en fait un roman emblématiq­ue du mouvement. Cette autofictio­n, où l’autrice

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