Naviguer à travers une tempête parfaite
MONTRÉAL – Une hausse marquée des demandes d’aide alimentaire, des opérations bouleversées par des mesures sanitaires qui changent de jour en jour et des centaines de bénévoles retraités contraints de demeurer à la maison : le réseau de Banques alimentaires du Québec a dû traverser une tempête parfaite, au printemps 2020. Près d’un an plus tard, les effets de la crise sont loin d’être dissipés, mais deux ingrédients permettent d’être optimistes : la générosité de la population et la solidarité de tout un réseau.
« Le terme commence à être galvaudé, mais s’il y a une chose que la dernière année a confirmée, c’est l’incroyable résilience de nos membres », souligne Julie Marchand, directrice générale de Banques alimentaires du Québec, qui regroupe 32 membres Moisson et associés, lesquels approvisionnent en denrées près de 1 200 organismes locaux offrant de l’aide alimentaire.
À l’échelle du Québec, on estime que la pandémie de COVID-19 s’est traduite par une augmentation de 30 % à 40 % des demandes d’aide alimentaire en 2020. Plusieurs personnes qui n’avaient jamais mis les pieds dans une banque alimentaire l’ont fait pour une première fois, conséquence des nombreuses pertes d’emplois et des diverses fermetures d’entreprises et de commerces.
« Au même moment, nous avons perdu la presque totalité de nos bénévoles, qui sont en grande partie des retraités et des personnes plus âgées à qui on a demandé de s’isoler. Du jour au lendemain, il a fallu se réorganiser complètement. Tous les employés qui travaillent habituellement dans les bureaux sont descendus sur le plancher pour remplir les paniers, assister les gens, etc. », se souvient la directrice des communications de Moisson Laval, Wazna Azem.
L’appel à la solidarité et au bénévolat lancé aux Québécois par le premier ministre François Legault, à la fin mars, a également porté fruit. Des centaines de nouveaux bénévoles – notamment des enseignants – ont afflué en renfort dans les services d’aide alimentaire, un peu partout au Québec, et ont permis de répondre aux besoins criants de la population.
L’épisode a d’ailleurs révélé l’importance et l’agilité du réseau des Banques alimentaires du Québec. « Au plus fort de la crise, nous nous parlions tous les jours, avec l’ensemble de nos membres. Encore aujourd’hui, il ne se passe pas une semaine sans que nous fassions le point. Nous avons la chance de miser sur des organismes solidement ancrés dans leur communauté, qui connaissent et s’adaptent à leurs réalités locales, mais aussi sur un réseau national et une voix commune lorsque nous devons relever des défis comme celui-là », explique Julie Marchand.
Un défi à long terme
L’élan de générosité s’est aussi fait sentir en termes monétaires, alors que les Banques alimentaires ont pu compter sur des contributions sans précédent à la fois d’entreprises et de particuliers, en plus du soutien important des gouvernements du Québec et du Canada.
S’il y a une inquiétude qui habite toutefois les organismes du réseau, à l’heure actuelle, c’est que cet élan de solidarité s’essouffle, à mesure que la vaccination progressera et que les mesures de distanciation sociale iront en s’atténuant, au cours des prochains mois. Or, il est à prévoir que la crise « économique » s’étendra bien au-delà de la crise « sanitaire ».
Lors de la crise financière de 2008, par exemple, Banques alimentaires Canada avait noté une hausse semblable de 30 % des demandes d’aide alimentaire au pays. Malheureusement, malgré la reprise économique, les besoins n’ont jamais diminué par la suite. Bref, il n’y a pas eu de retour à la normale.
« Les effets économiques de la pandémie se feront sentir longtemps. Le message qu’on souhaite envoyer aux gens, c’est : ne nous oubliez pas. Les besoins seront sans doute encore aussi élevés dans six mois, dans un an ou encore dans trois ans », conclut Julie Marchand.
Du jour au lendemain, il a fallu réorganiser complètement. Les effets économiques de la pandémie se feront sentir longtemps.