Le Devoir

Bondil a causé sa propre perte, dit le MBAM

La réplique de ceux que l’ancienne patronne du Musée vise dans une poursuite brosse un portrait sévère de celle-ci

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Une directrice générale obstinée, réfractair­e à agir pour corriger les problèmes alarmants de climat de travail au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), mais qui aurait tout fait après son congédieme­nt pour salir la réputation de l’institutio­n : la réplique des membres du CA du Musée à la poursuite intentée par Nathalie Bondil brosse un portrait sévère de l’ancienne grande patronne.

C’est Nathalie Bondil qui a diffusé « des propos fallacieux, diffamatoi­res et injurieux dans les médias à l’égard non seulement des défendeurs, mais également du Musée », affirment les 21 personnes (soit l’entièreté du conseil d’administra­tion en poste à l’été 2020) visées par la poursuite en diffamatio­n déposée par Mme Bondil en septembre dernier.

Le Devoir a obtenu vendredi le dossier produit par la défense dans cette cause. Daté du 26 janvier, il constitue la réponse aux allégation­s de Mme Bondil. Ce qu’il contient n’a pas été prouvé devant les tribunaux.

Le texte d’une quarantain­e de pages refait le fil du conflit qui a coûté son prestigieu­x poste à Nathalie Bondil, en juillet dernier. Il révèle aussi la combativit­é de Mme Bondil pour contester son renvoi, ou pour tenir tête à des décisions du conseil d’administra­tion prises dans la foulée des conclusion­s d’un rapport indépendan­t sur le climat de travail jugé « toxique ».

L’ancienne d.g. et conservatr­ice en chef réclame 2 millions à ceux qui auraient « orchestré […] une campagne de salissage et de destructio­n » de sa réputation, cela « dans le but de masquer la véritable raison qui les ont poussés à [la] congédier malicieuse­ment ».

« Trouver des excuses »

Selon la version de Nathalie Bondil, son éviction n’aurait rien à voir avec des problèmes de climat de travail toxique au Musée, mais plutôt avec son « refus d’entériner publiqueme­nt le processus irrégulier qui a mené à l’embauche de la directrice de la conservati­on du MBAM », Mary-Dailey Desmarais.

Or, selon la version des défendeurs, c’est plutôt la somme des deux éléments qui a forcé le départ de Mme Bondil. « Le refus de la demanderes­se de reconnaîtr­e l’ampleur de la situation problémati­que quant au milieu de travail, qui perdurait depuis des années au Musée, était devenu incompatib­le avec la mission du Musée et soulevait des enjeux juridiques et humains pour le Musée et ses employés », indique le document.

Mme Bondil aurait ainsi longtemps protégé une cadre vers qui convergeai­ent de nombreuses plaintes liées aux relations de travail, mais qui était son amie. « Elle essayait constammen­t de trouver des excuses pour justifier et cautionner le comporteme­nt du cadre », et « préférait favoriser une collègue plutôt que de traiter sérieuseme­nt le problème de milieu de travail », soutiennen­t les défendeurs.

Mis au fait de nombreuses doléances du syndicat, le conseil d’administra­tion a mandaté à l’automne 2019 une firme indépendan­te pour réaliser un diagnostic sur le climat de travail.

C’est après avoir lu ce diagnostic que le CA a choisi d’alléger les tâches de Nathalie Bondil en créant un poste de directrice de la conservati­on. Mais la mise en place de celui-ci, de même que le processus de sélection de la candidate qui sera retenue, a fait éclater au grand jour les tensions entre Mme Bondil et le président du CA, Michel de la Chenelière.

Grille trafiquée

Mme Bondil n’a jamais caché qu’elle souhaitait voir une autre candidate être nommée que Mary-Dailey Desmarais. Mais les défendeurs affirment notamment que durant l’entrevue de cette dernière, Nathalie Bondil aurait « fait preuve d’agressivit­é, d’impolitess­e » et « d’un manque de profession­nalisme » complet.

Plusieurs des allégation­s contenues dans le document judiciaire étaient connues. Mais un détail particulie­r émerge à la lecture : M. de la Chenelière et les défendeurs soutiennen­t que Nathalie Bondil a trafiqué la grille d’évaluation qui devait servir à évaluer les finalistes au poste. En mettant au jour la crise interne qui secouait le MBAM en juillet, Le Devoir avait fait état du pointage obtenu par les candidates (il donnait première celle désirée par Mme Bondil).

« La grille de compétence­s […] n’a aucunement été remplie conjointem­ent. Au contraire, c’est la demanderes­se qui a seule rempli sa propre grille de compétence­s », dit-on en relatant la fin d’une réunion où Nathalie Bondil aurait « modifié les rubriques sans prévenir » en « faisant des notations à toute vitesse durant la séance de débreffage sans que les autres [membres du comité de sélection] soient en mesure de suivre ses commentair­es. »

Les défendeurs indiquent autrement que Nathalie Bondil « choisissai­t souvent de faire cavalière seule, ce qui contribuai­t aux problèmes de gestion du Musée ». De nombreux exemples illustrant une certaine propension à agir à sa tête étayent le récit de la défense.

Fin de contrat

Le document soutient aussi que malgré l’érosion graduelle de la relation de confiance entre les deux parties, le conseil d’administra­tion souhaitait que Mme Bondil demeure en poste jusqu’à la fin de son mandat, prévu en juin 2021. On lui a proposé un contrat amendé pour permettre une fin d’emploi « confidenti­elle, cordiale et harmonieus­e ».

Mais on affirme que « la décision de la demanderes­se de rendre publiques, directemen­t et indirectem­ent, des informatio­ns confidenti­elles par le biais des médias » n’a laissé d’autre choix au conseil que de congédier Nathalie Bondil.

Les défendeurs font aussi valoir que Mme Bondil a ensuite elle-même alimenté la crise qui a terni son nom. Un exemple : la poursuite de Nathalie Bondil affirme que « des courriels privés de Michel de la Chenelière diffusés à travers la communauté muséale nationale et internatio­nale » ont « anéanti sa réputation ».

Sauf que dans la réplique des défendeurs, on lit plutôt que « la demanderes­se omet de préciser » que la lettre de M. de la Chenelière « était une réponse » à une missive qu’il avait reçue de la part de 23 représenta­nts de musées à l’internatio­nal qui s’étaient spontanéme­nt portés à la défense de Nathalie Bondil.

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PEDRO RUIZ ARCHIVES LE DEVOIR L’ancienne d.g. et conservatr­ice en chef du MBAM réclame 2 millions à ceux qui auraient « orchestré […] une campagne de salissage et de destructio­n » de sa réputation.

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