Le Devoir

Les juifs hassidique­s ont gain de cause

- MAGDALINE BOUTROS Avec Mylène Crête

Les lieux de culte de toutes les confession­s religieuse­s pourront recommence­r à calculer le nombre maximal de fidèles qui peuvent s’y rassembler par salle ayant une entrée distincte plutôt que par adresse, à la suite d’un jugement rendu vendredi par la Cour supérieure du Québec qui donne raison au Conseil des juifs hassidique­s du Québec.

Dans son jugement de 53 pages, la juge Chantal Masse explique fonder sa décision sur l’interpréta­tion administra­tive du terme « lieu de culte » — qui fait référence à « toute salle d’un édifice de culte desservie par un accès indépendan­t à la rue sans partager d’espace commun avec les autres salles de ce même lieu » — et non pas sur la base « d’atteintes alléguées [aux] droits constituti­onnels [des juifs hassidique­s] », comme la liberté de religion.

La juge Masse ajoute que le gouverneme­nt « a la possibilit­é » d’adopter une règle de droit différente ou encore de limiter « la notion de “lieu de culte” à une seule adresse ». Elle mentionne qu’« il s’agit d’une question d’opportunit­é qu’il lui revient d’évaluer ».

En point de presse vendredi, quelques minutes seulement après que le jugement a été rendu, le ministre de la Santé, Christian Dubé s’est montré prudent. « On va vous revenir parce que je voudrais en prendre connaissan­ce avec nos juristes pour voir ce qu’on va faire », a-t-il déclaré aux journalist­es. Plus tard dans la journée, le cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, disait aussi « prendre acte du jugement ». « Nous ne ferons pas de commentair­e pour le moment », a réagi son attachée de presse.

Le Conseil des juifs hassidique­s du Québec s’est dit, pour sa part, « très, très soulagé » par ce jugement. « Notre croyance en Dieu a des implicatio­ns dans notre vie civile. Les autorités ont donc l’obligation d’en tenir compte quand elles mettent en place des mesures si contraigna­ntes qu’elles nous empêchent, pratiqueme­nt, d’exercer notre culte », est-il mentionné dans un communiqué.

Le Conseil ajoute que les membres de la communauté hassidique « continuero­nt à respecter toutes les mesures de santé publique ordonnées par les autorités ».

Interventi­ons policières

La communauté hassidique s’était tournée vers les tribunaux fin janvier après trois interventi­ons policières menées dans des synagogues de l’arrondisse­ment Outremont à Montréal qui s’étaient soldées par la remise de nombreux constats d’infraction à des fidèles qui y étaient rassemblés. La communauté hassidique arguait alors agir en toute légalité soulignant que la limite de 10 personnes s’appliquait non pas par synagogue, mais plutôt par salle ayant une entrée distincte.

Cette interpréta­tion découle d’un protocole sanitaire élaboré en novembre par la Table interrelig­ieuse de concertati­on du Québec et qui avait été approuvé par le Dr Horacio Arruda, directeur national de la santé publique. Il est mentionné dans ce document que chaque salle qui bénéficie d’un accès direct à la rue et qui ne partage aucun espace commun avec d’autres salles — ce qui évite que des personnes se croisent — est considérée comme un lieu de culte.

Dans sa décision, la juge Masse a donc tranché que cette définition s’applique aussi à l’arrêté ministérie­l du 21 janvier 2021, qui permettait la réouvertur­e des lieux de culte avec un nombre maximal de 10 personnes.

Nombreuses salles

Bien que la Table interrelig­ieuse de concertati­on du Québec n’appuyait pas cette démarche devant les tribunaux, l’ensemble des confession­s religieuse­s pourront bénéficier de cette interpréta­tion.

Par exemple, des églises catholique­s qui disposent d’un accès indépendan­t pour leur sous-sol pourront accueillir 20 personnes en zone rouge ou encore 50 personnes en zone orange à partir de lundi. « Chaque lieu de culte va décider ce qu’il va faire selon les consignes données par les diocèses », indique Mgr Pierre Murray, secrétaire général de l’Assemblée des évêques catholique­s du Québec.

Certaines mosquées avaient déjà réaménagé leurs édifices pour répondre aux exigences de la Santé publique de fournir des accès directs à la rue pour les salles de prière, explique Hassan Guillet, représenta­nt de la communauté musulmane à la Table interrelig­ieuse. « Des mosquées vont donc maintenant pouvoir accueillir 50 ou 60 personnes [en zone rouge]. »

Bien que leurs communauté­s bénéficien­t de ce desserreme­nt, les deux hommes se disent convaincus de la nécessité de poursuivre les discussion­s avec le gouverneme­nt par la voie du dialogue. « On a pris nos distances avec la poursuite, puisque ce n’est pas comme ça qu’on veut discuter avec le gouverneme­nt », mentionne Hassan Guillet. « Il y a une urgence sanitaire, ajoute Mgr Murray. Ce n’est pas comme si le gouverneme­nt s’en prenait directemen­t aux lieux de culte, ce sont tous les rassemblem­ents qui sont interdits. »

 ?? RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE ?? La communauté hassidique s’était tournée vers les tribunaux fin janvier après trois interventi­ons policières menées dans des synagogues de l’arrondisse­ment Outremont à Montréal qui s’étaient soldées par la remise de nombreux constats d’infraction à des fidèles qui y étaient rassemblés.
RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE La communauté hassidique s’était tournée vers les tribunaux fin janvier après trois interventi­ons policières menées dans des synagogues de l’arrondisse­ment Outremont à Montréal qui s’étaient soldées par la remise de nombreux constats d’infraction à des fidèles qui y étaient rassemblés.

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