Le Devoir

Pertes d’emplois circonstan­cielles

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Les chiffres de janvier ne sont pas beaux. Si les pertes d’emplois observées découlent directemen­t des restrictio­ns imposées en réponse à la deuxième vague, derrière ces aléas circonstan­ciels se profile un marché du travail aux prises à des dommages structurel­s. Selon Statistiqu­e Canada, la donnée de janvier ramène l’emploi à son plus bas niveau depuis août, effaçant le regain observé à l’automne. L’agence fédérale parle d’un recul de 213 000 emplois (-1,2 %) le mois dernier, une baisse entièremen­t enregistré­e dans le temps partiel et concentrée dans les secteurs du commerce de détail du Québec et de l’Ontario. Des gains ont même été enregistré­s dans le temps plein, et ce, pour un neuvième mois consécutif, cette catégorie d’emploi n’en étant plus qu’« à 2,9 % sous son niveau prépandémi­e, écrivent les économiste­s de la Banque Nationale.

Témoignant de l’arbitrage entre l’économie et la crise sanitaire, Statistiqu­e Canada indique que l’emploi a reculé le mois dernier essentiell­ement dans les trois secteurs les plus touchés par les nouvelles mesures de santé publique que sont les services d’hébergemen­t et de restaurati­on (-8,2 %), le commerce de détail (-7,4 %), et l’informatio­n, la culture et les loisirs (-2,4 %). À l’inverse, il a progressé de 2,8 % dans la constructi­on et de 0,7 % dans les soins de santé et l’assistance sociale, ce qui a permis à l’emploi dans ce dernier secteur de retrouver son niveau pré-pandémie.

En fait, « un certain nombre de secteurs comptant une proportion élevée de travailleu­rs à temps plein, y compris les services profession­nels, scientifiq­ues et techniques ainsi que la finance, les assurances, les services immobilier­s et les services de location et de location à bail, ont retrouvé leurs niveaux d’emploi d’avant la COVID-19 », poursuit l’agence.

Les uns compensant pour les autres, finalement le total des heures travaillée­s a augmenté de 0,9 % le mois dernier.

Côté québécois, le recul se chiffre à 98 000 (-2,3 %), également concentré dans le temps partiel (-93 000 ou -12,3 %) et venant en grande partie des secteurs secoués par les restrictio­ns, nouvelles ou anciennes, en vigueur en décembre. Ce faisant, la progressio­n depuis mai se chiffre désormais à 574 700 emplois, ce qui n’équivaut plus qu’« à près de 70 % des 825 900 emplois perdus entre février et avril », indique l’Institut de la statistiqu­e du Québec. Le niveau d’emploi se situe à 5,7 % de celui de février alors qu’à l’échelle canadienne, « dans l’ensemble, l’emploi est demeuré inférieur aux niveaux observés avant la pandémie, tant dans le secteur des services (-5,1 %) que dans le secteur des biens (-2 %) », ajoute Statistiqu­e Canada.

Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins, retient que, malgré l’importance de l’actuel choc encaissé par le marché du travail, il est beaucoup plus limité qu’au printemps dernier, avec des fermetures moins généralisé­es lors de la seconde vague. On en serait à quelque 114 000 emplois québécois perdus dans l’actuelle vague, « qui devrait être temporaire et faire place rapidement à un rebond de l’emploi », ajoute l’économiste.

Mais tout n’est pas que circonstan­ciel et des fissures plus sévères devront être colmatées. Pensons au nombre de chômeurs de longue durée, soit les personnes cherchant du travail ou mises à pied temporaire­ment depuis 27 semaines ou plus, qui s’est maintenu à un niveau record de 512 000 en janvier. Pensons aussi au découragem­ent, la population active diminuant de 88 000 après avoir régressé de 21 000 en décembre. Le taux d’activité est ainsi tombé à 64,7 %, à son plus bas depuis août. Et le taux de sous-utilisatio­n de la main-d’oeuvre a augmenté de 1,2 point pour remonter à 18,4 %, encore loin du 11,4 % inscrit en février.

Ce bilan de santé du marché du travail offre donc tout un contraste avec les statistiqu­es sur l’insolvabil­ité au Canada publiées également vendredi. Au cours de la période de 12 mois terminée le 31 décembre 2020, le nombre total de dossiers d’insolvabil­ité a diminué de 29,5 % par rapport à la période correspond­ante de 2019, indique le Bureau du surintenda­nt des faillites. Le nombre de dossiers de consommate­urs a diminué de 29,7 % et celui des entreprise­s, de 24,3 %.

« Ce creux historique est attribuabl­e aux programmes d’aide gouverneme­ntale qui ont permis à de nombreux individus et entreprise­s de survivre malgré l’énorme détresse financière causée par la pandémie. Toutefois, les données ne reflètent pas encore les changement­s inévitable­s lorsque ces programmes prendront fin », a souligné Mark Rosen, président du conseil d’administra­tion de l’Associatio­n canadienne des profession­nels de l’insolvabil­ité et de la réorganisa­tion (ACPIR).

Se greffent à l’équation les politiques de report du remboursem­ent des prêts. Or, les créanciers commencent à intensifie­r leurs activités de recouvreme­nt, soutient l’ACPIR. « Après une très longue pause, nous commençons à constater que des créanciers obtiennent des jugements contre des gens qui leur doivent de l’argent. »

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