Le chômage à son plus haut depuis août
L’économie québécoise a perdu presque 100 000 emplois en un mois
Le resserrement des règles sanitaires a effacé cinq mois de gains dans l’emploi au Québec.
L’économie québécoise a perdu presque 100 000 emplois en un mois en même temps que son taux de chômage bondissait de 6,8 % en décembre à 8,8 % le mois dernier, a rapporté vendredi Statistique Canada dans la dernière édition de son Enquête sur la population active (EPA). Attribuable aux nouvelles mesures de lutte déployées par les pouvoirs publics pour freiner la deuxième vague de pandémie de COVID-19, cette « première baisse notable depuis avril » s’est concentrée dans le secteur du commerce de détail et de gros (-84 600 emplois) et les emplois à temps partiel (-92 500).
La perte de 98 000 emplois au mois de janvier au Québec fait suite à un recul plus modeste de 17 000 emplois le mois d’avant. Elle reflète l’évolution de la situation entre les deux dernières enquêtes réalisées par Statistique Canada, soit pour la période allant de la mi-décembre à la mi-janvier. Cela a permis notamment de capter l’effet de la fermeture des commerces non essentiels à compter du 25 décembre, mais seulement des deux premiers jours du couvre-feu instauré le 14 janvier. Le total d’emplois au Québec (4,1 millions) n’avait pas été aussi bas depuis le mois juillet et le taux de chômage n’avait pas été aussi élevé depuis le mois d’août.
Ce coup dur au Québec, allié aux lourdes pertes d’emplois (-154 000) infligées au même moment par un autre resserrement des règles sanitaires, mais en Ontario cette fois, ont été les principales raisons de la destruction nette en un mois de 213 000 emplois au Canada et de la remontée du taux de chômage de 8,8 %. en décembre, à 9,4 % en janvier, soit son plus haut niveau depuis août.
Pas tous égaux
Là encore, le recul de l’emploi au Canada s’est principalement concentré dans trois secteurs de l’économie, souligne Statistique Canada, soit : le commerce de détail, où la dégringolade en un mois s’est élevée à 160 000 emplois ; les services d’hébergement et de restauration (-71 000 emplois), qui, après un rebond cet été, en étaient à une quatrième baisse mensuelle consécutive, et le secteur de l’information, de la culture et des loisirs (-17 000), lui aussi en repli constant depuis le début de l’automne.
Les travailleurs n’ont pas tous été égaux non plus, la baisse de l’emploi étant entièrement attribuable au travail à temps partiel (-225 000 emplois), et principalement à celui des jeunes de moins de 25 ans (-114 000 emplois) et des femmes de 25 à 54 ans (-103 000), surreprésentés dans les secteurs les plus touchés. Signe que d’autres provinces et d’autres secteurs de l’économie s’en sont mieux tiré, le nombre total d’heures travaillées au pays a suivi une trajectoire contraire à celle du taux d’emploi et du taux d’activité en augmentant en janvier de presque 1 %.
« Les reculs de l’emploi de janvier […] font ressortir la vulnérabilité constante de certains secteurs et groupes de travailleurs aux baisses de l’emploi qui découlent directement des restrictions liées à la COVID-19 », a observé Statistique Canada.
Passé de 11,4 % avant la pandémie à 6,2 % au plus fort de la crise, le taux de sous-utilisation de la main-d’oeuvre — qui additionne les travailleurs au chômage, ceux qui voudraient un emploi, mais qui n’en ont pas cherché ou ceux qui avaient un emploi, mais ont travaillé moins de la moitié de leur total d’heures habituel — est passé le mois dernier de 17,2 % à 18,4 %.
Reflet de la fermeture des écoles dans certaines régions, le taux d’emploi des mères d’enfants âgés de 6 à 12 ans a subi sa plus forte baisse mensuelle depuis avril. Quant au nombre de travailleurs à domicile, il a augmenté de 700 000 en janvier seulement pour atteindre 5,4 millions, pulvérisant le record précédent (5,1 millions) établi ce même mois d’avril.
Il se peut que certains de ces travailleurs soient difficiles à convaincre de reprendre le chemin du bureau, plus de deux travailleurs canadiens sur cinq disant craindre de contracter la COVID-19 en milieu de travail. Or, « les préoccupations demeurent les plus élevées parmi les personnes pour qui les possibilités de travailler à domicile sont limitées », explique Statistique Canada, cette proportion atteignant 58 % chez les travailleurs du secteur des soins de santé et l’assistance sociale, 50 % dans le commerce de détail et 47 % dans les services d’hébergement et de restauration.
Avenir en dents de scie
Si plusieurs analystes se sont avoués surpris vendredi par l’ampleur de recul de l’emploi au Canada, la plupart restaient relativement optimistes pour la suite des choses. L’évolution de la situation dépendra grandement de celle de la pandémie, mais la détérioration importante du marché de l’emploi en janvier au Québec « devrait être temporaire et faire place rapidement à un rebond », a estimé dans une brève analyse l’économiste au Mouvement Desjardins Hélène Bégin.
« Le Québec a déjà annoncé la réouverture des commerces non essentiels et l’Ontario pourrait suivre son exemple la semaine prochaine », ont renchéri Matthieu Arseneau et Camille Baillargeon de la Banque Nationale. « Cependant, comme la campagne de vaccination ne progresse pas comme prévu, une évolution en dents de scie n’est pas à exclure au premier semestre de l’année. »