La mémoire
Les salons funéraires propulsés vers d’autres rituels
Quand les appels pour aller chercher des corps dans les CHSLD ont déferlé le printemps dernier, ce n’était que le début du séisme qui allait ébranler les maisons funéraires.
Dans l’ouest de l’île, où la maison Rideau a accompagné certaines des familles endeuillées par l’horreur vécue à la résidence Herron, il a fallu changer les façons de faire de semaine en semaine. « Quand la COVID se propageait, les résidences ont eu besoin de nous, pas juste pour aller chercher les corps, mais pour assurer toute la dignité et le respect dû aux autres résidents et aux défunts. Le personnel était aussi sous le choc », se souvient Geneviève Veilleux.
Embaumement des corps interdit, rassemblements prohibés : apaiser le deuil les familles est devenu un cassetête. « Ç’a été déchirant de refuser aux familles de voir le corps de leur proche », concède la thanatologue. Le rapatriement des corps dans le pays natal, tout comme la mise en crypte, est aussi devenu impossible. « Ces rites sont très présents dans certaines communautés. En plein deuil, des gens ont été bousculés dans leurs convictions les plus profondes. »
L’impossibilité de se réunir, de choisir qui pourra assister aux derniers hommages a déchiré plusieurs clans. « Nous avons dû réinventer l’accompagnement des familles », insiste Mme Veilleux.
Cérémonies diffusées sur le Web, bougies allumées à l’unisson pour célébrer le défunt : de très beaux gestes sont aussi nés dans la contrainte. Des familles ont peint leurs mains sur le cercueil fermé, d’autres ont fait graver l’empreinte digitale de leur proche sur un bijou.
« Cette crise a révélé l’importance des derniers rituels. Je crois sincèrement que les rituels ne seront plus jamais les mêmes. »