L’ONU accusée de soutenir le contesté président haïtien
Des organisations de la société civile haïtienne ont accusé vendredi le bureau des Nations unies dans le pays de soutenir le président Jovenel Moïse, en offrant un appui technique et logistique à ses projets d’élections, alors que le mandat du chef de l’État est largement contesté.
« Les Nations unies ne doivent aucunement soutenir le président Jovenel Moïse dans ses projets antidémocratiques », considère dans une lettre la dizaine d’organisations féministes et de défense des droits de la personne.
Cette correspondance a été envoyée à la représentante du secrétaire général de l’ONU en Haïti alors que l’opposition politique et un nombre grandissant d’organisations de la société civile considèrent que le mandat de Jovenel Moïse arrive à terme dimanche. Selon son interprétation de la Constitution, le camp présidentiel table, lui, sur un départ du pouvoir le 7 février 2022.
Malgré cette crise de légitimité, le chef de l’État avance vers un agenda électoral chargé pour l’année avec, en premier lieu, la tenue, le 25 avril, d’un référendum sur un projet de nouvelle Constitution. Les États-Unis ont d’ailleurs validé le calendrier électoral du chef du pays caribéen.
Cette procédure inédite attise les critiques jusque dans le camp de Jovenel Moïse, car la procédure choisie ne semble pas respecter les dispositions de l’actuelle Constitution. Les membres du conseil électoral provisoire, chargé de l’organisation des scrutins de 2021, ont été nommés unilatéralement par Jovenel Moïse et n’ont pas prêté serment devant la Cour de cassation comme les lois l’exigent.
Dans leur courrier, les organisations de la société civile trouvent « étonnant de voir que le BINUH [Bureau intégré des Nations unies en Haïti] soutient ce processus d’anéantissement des acquis démocratiques du peuple haïtien ».
Outre cette défiance envers le pouvoir en place, le contexte sécuritaire constitue un obstacle majeur à l’ordre du jour politique envisagé par la présidence. Haïti enregistre depuis l’automne une recrudescence des enlèvements contre rançon qui touchent indistinctement les habitants les plus riches et la majorité, vivant sous le seuil de pauvreté. Les gangs ont commis plusieurs massacres dans des quartiers populaires de la capitale, tuant des dizaines de personnes et perpétrant des viols collectifs sur des femmes et des fillettes.
L’ONU, qui avait enquêté sur l’une de ces attaques commise en novembre 2018, avait épinglé un haut responsable politique, présumé complice des bandes armées. Ce proche de Jovenel Moïse n’a été remplacé qu’un an plus tard. Aucune poursuite judiciaire n’a été entreprise dans le dossier contre lui ou les autres suspects.
« Les violations de droits de la personne s’intensifient. Le pays est gangstérisé sous le regard des Nations unies dont la mission est de promouvoir les droits de la personne, l’État de droit, et de consolider les institutions », déplorent les organisations signataires du courrier.