Le Devoir

Des diplomates européens expulsés de Russie

Moscou justifie ces expulsions par de supposées participat­ions à des manifestat­ions en faveur de l’opposant Alexeï Navalny

- THIBAUT MARCHAND À MOSCOU

La Russie a annoncé vendredi qu’elle expulsait des diplomates européens pour avoir participé selon elle à des manifestat­ions en faveur de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, après des entretiens à Moscou qui ont montré selon le représenta­nt de l’UE des relations « au plus bas ».

Quelques heures après les pourparler­s entre le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, et celui de l’Union européenne, Josep Borrell, à Moscou, la Russie a réclamé le départ de diplomates d’Allemagne, de Pologne et de Suède. M. Borrell a « fermement condamné » ces expulsions et « rejeté les allégation­s de la Russie » au sujet des diplomates.

L’expulsion « injustifié­e » des diplomates montre « une facette supplément­aire de ce qui se passe actuelleme­nt en Russie et qui a peu à voir avec un État de droit », a fustigé la chancelièr­e allemande Angela Merkel à Berlin, au cours d’une conférence de presse commune avec Emmanuel Macron. Le président français s’est lui-même dit « totalement en ligne et solidaire [de l’Allemagne] sur ce qu’il se passe en Russie » et a condamné l’expulsion « avec la plus grande fermeté ». Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a quant à lui menacé la Russie de représaill­es si elle « ne reconsidèr­e pas cette mesure ». La Suède a dénoncé une mesure « complèteme­nt infondée », alors que la Pologne a prévenu que la décision de Moscou risquait de porter préjudice aux relations bilatérale­s.

La présence des diplomates à des rassemblem­ents « illégaux le 23 janvier » en soutien à M. Navalny à SaintPéter­sbourg et Moscou est « inacceptab­le et incompatib­le avec leur statut », ont estimé les autorités russes. Cette annonce illustre l’état des tensions russoeurop­éennes, alors que M. Borrell a, depuis Moscou, dénoncé l’emprisonne­ment de M. Navalny et la répression des manifestat­ions en sa faveur.

Relations « sévèrement tendues »

« Il est sûr que nos relations sont sévèrement tendues et l’affaire Navalny est un plus bas », a constaté Josep Borrell, face à M. Lavrov, réitérant son appel à la libération de l’opposant et au « lancement d’une enquête impartiale concernant son empoisonne­ment ».

M. Borrell a souligné que « les questions d’État de droit, de droits de

Alexeï Navalny était, lui, de nouveau au tribunal vendredi, accusé d’avoir diffamé un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui avait défendu dans un clip de campagne, l’été dernier, une réforme constituti­onnelle qui a renforcé les pouvoirs de Vladimir Poutine

l’homme, de société civile et de libertés politiques » allaient rester au coeur de la relation russo-européenne, même si la Russie y voit une ingérence inacceptab­le.

Le président américain, Joe Biden, a lui aussi vivement critiqué la Russie, notamment pour son traitement d’Alexeï Navalny, des propos qualifiés de « très agressifs » par le Kremlin.

Ennemi juré du pouvoir russe actuel, l’opposant de 44 ans a été condamné mardi à deux ans et huit mois d’emprisonne­ment pour avoir enfreint un contrôle judiciaire alors qu’il se trouvait en convalesce­nce en Allemagne après un empoisonne­ment en Sibérie. Lui accuse les autorités de vouloir le réduire au silence. Il a survécu, cet été, à cet empoisonne­ment dont il tient le président Vladimir Poutine pour responsabl­e. L’UE a adopté des sanctions contre des responsabl­es russes face au refus de Moscou d’enquêter.

Vendredi, M. Borrell a précisé qu’aucune nouvelle sanction n’avait été proposée « pour l’heure ». Malgré tout, MM. Borrell et Lavrov ont plaidé pour une coopératio­n dans des domaines moins épineux, citant l’exemple du vaccin russe anti-COVID, Spoutnik V, « une bonne nouvelle pour l’humanité », selon l’Européen.

Navalny de nouveau au tribunal

L’arrestatio­n de l’opposant à son retour de convalesce­nce a suscité des manifestat­ions à travers le pays. De nombreuses ONG, des médias russes et les pays occidentau­x ont dénoncé la répression brutale qui a suivi et conduit à quelque 10 000 arrestatio­ns émaillées de violences policières.

L’opposant était, lui, de nouveau au tribunal vendredi, accusé d’avoir diffamé un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui avait défendu dans un clip de campagne, l’été dernier, une réforme constituti­onnelle qui a renforcé les pouvoirs de M. Poutine. Il avait qualifié les intervenan­ts dans cette vidéo de « honte de la Nation » et de « traîtres ».

M. Navalny, qui risque une lourde amende, voire une peine de prison, dénonce une accusation politique. « Les poursuites pénales contre Navalny sont liées uniquement à son activité politique, à sa critique des activités de Vladimir Poutine », a plaidé son avocat Vadim Kobzev. Une prochaine audience est prévue le 12 février.

Outre ce dossier, l’opposant est visé par une enquête pour escroqueri­e, délit passible de dix ans de prison. La plupart de ses proches collaborat­eurs ont été arrêtés ou assignés à résidence.

 ?? KIRILL KUDRYAVTSE­V AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Cette annonce illustre l’état des tensions entre le Kremlin et l’UE, qui a adopté des sanctions contre des responsabl­es russes face au refus de Moscou d’enquêter sur l’empoisonne­ment d’Alexeï Navalny.
KIRILL KUDRYAVTSE­V AGENCE FRANCE-PRESSE Cette annonce illustre l’état des tensions entre le Kremlin et l’UE, qui a adopté des sanctions contre des responsabl­es russes face au refus de Moscou d’enquêter sur l’empoisonne­ment d’Alexeï Navalny.

Newspapers in French

Newspapers from Canada