Le Devoir

Une journée à l’université

- Claude L. Normand

J’ai été frappée par les propos d’Antoine Desgagnés dans sa lettre adressée au Devoir et publiée le jeudi 4 février. En effet, une journée à l’université ne ressemble en rien à une journée à l’école secondaire. Peut-être d’abord et avant tout en raison de l’offre de cours, des programmes et des horaires, comme le fait valoir M. Desgagnés, mais aussi en raison de la provenance des étudiants qui y sont inscrits.

Les étudiants qui fréquenten­t l’école secondaire habitent presque en totalité à l’intérieur d’un rayon géographiq­ue limité, qui se traverse en moins d’une heure par autobus. Au niveau postsecond­aire, la réalité est tout autre. J’enseigne à l’Université du Québec en Outaouais, et malgré un faible taux d’étudiants « étrangers », nos étudiants québécois viennent des vastes régions de l’Outaouais, des Laurentide­s et de la Montérégie.

Lorsque nous leur avons offert un cours en présentiel sur le campus au trimestre d’automne 2020, nous avons assisté à une levée de boucliers ! On allait les forcer à se déplacer pour un seul cours ! Contrairem­ent à une pleine charge de cours donnés en présentiel sur l’un de nos campus, un seul cours ou une seule journée en classe ne justifiait nullement à leurs yeux de payer un loyer près du campus universita­ire. Leur restait l’option de faire plusieurs heures de route de jour ou de nuit, de payer une chambre d’hôtel ou de trouver refuge une fois par semaine chez un proche ou une connaissan­ce. Bref, le cours qui devait s’offrir en présentiel a été converti en cours à distance, pour le plus grand bien (paraît-il) de certains étudiants.

« Tout ou rien »

Cet hiver, les étudiants inscrits à mon programme ont un laboratoir­e. Nous avons accepté de donner la portion théorique à distance pendant la première moitié du trimestre, mais exigé que la portion pratique se fasse… dans les laboratoir­es de l’université. Pour des étudiants soi-disant en manque de contacts sociaux, j’ai été surprise d’entendre des protestati­ons dès la première semaine de janvier, déplorant que les cours en laboratoir­e ne puissent se tenir à distance, pour éviter les tracas liés à l’hébergemen­t ou au déplacemen­t.

Ce que j’en comprends, c’est que les étudiants ne veulent pas des demi-mesures proposées par notre gouverneme­nt. Idéalistes, peut-être ? Ils ne sont pas utopistes. Ils veulent « tout ou rien », et semblent prêts à prendre leur mal en patience pour vivre pleinement le retour en classe complet. Entre-temps, ils se voient à travers les médias sociaux, et avec un peu de bonne volonté et de créativité de la part du personnel enseignant, ils peuvent, comme dans mes cours, passer la majeure partie du temps en ligne dans des groupes de discussion où ils échangent avec leurs collègues, sur la matière et sur des aspects plus personnels s’ils le désirent. J’ai pu constater que, dès leur premier trimestre d’inscriptio­n, cette stratégie leur a permis de créer des liens réels avec d’autres nouveaux inscrits comme eux, qui ont débordé du strict cadre de mon cours universita­ire.

Je ne peux que souhaiter que la société les entende et trouve des solutions moins risquées pour la santé, et moins coûteuses en ressources de toutes sortes, que la présence physique sur un campus collégial ou universita­ire un jour par semaine.

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