Fiction québécoise
Danielle Fournier exorcise le désenchantement amoureux en traçant, pas à pas, les routes de la délivrance et de la sérénité
« Cher, si je vous écris ce matin, vous qui ne l’êtes plus et qui n’avez désormais aucun nom, c’est que j’ai choisi de vivre et, par conséquent, de vous retirer mon amour… »
Celle qui ne craint pas la joie, nouveau récit de Danielle Fournier, prend la forme d’une longue lettre écrite à un homme aimé, un homme cruel qui a fait d’elle une proie, l’a laissée sans vie, dépossédée, dévastée.
Écrivaine de la quête de soi, la poète met encore une fois sa magnifique et puissante plume au service d’une métamorphose intérieure. Elle s’applique à nommer, à distiller chaque blessure, chaque réalisation, chaque ascension qui parsème cette quête immense et solitaire de la guérison.
La poésie, ici, sert à rétablir l’ordre dans le chaos qu’imposent le silence et la honte, exorcise le désenchantement amoureux en traçant, pas à pas, les routes de la délivrance et de la sérénité. Arme de reconstruction massive, elle inscrit à jamais la tragédie dans le souvenir pour mieux réaffirmer la présence de son autrice au monde et à un avenir plus lumineux.
« Vous êtes un labyrinthe et je ne suis pas Ariane. Je m’habille de lumière pour enfin m’affranchir de cette caverne sombre du ressentiment et de l’amertume ; je connais la fêlure de l’amour, sa fissure, je reconnais la brèche, celle du silence, d’un silence qui ressemble aux hurlements. Avec vous, quelque chose que j’aimais s’est envolé… »
La volonté d’universel est palpable dans cette mise à nue qui scrute l’aveuglement volontaire auquel sont conditionnées les femmes, dans cette pulsion déchaînée par la séduction, dans cet abandon à sens unique que suppose l’attachement à un narcissique.
La dissection de la blessure amoureuse — thème récurrent et sans cesse réexploité — suppose aussi le piège du lieu commun. L’écrivaine n’a pas la prétention de réinventer la roue ou d’offrir un point de vue inédit.
Le verbe, bien que grandiose, prend parfois le dessus sur les émotions, et n’effleure qu’en surface l’abysse que constitue la perte de soi au profit d’un autre. Peuplée de zones d’ombre, son expérience n’est que chuchotement partagé parmi d’autres ; ses deux amants, de simples esquisses — peut-être justement pour permettre au plus grand nombre d’y contempler son reflet.
Ne demeure sur papier que le parcours d’une femme qui s’est déprise du piège, un point d’ancrage lumineux, une main tendue à celles qui, comme elle, chercheraient la délivrance.