Deuxième éclosion majeure chez les Soeurs de la Providence
La direction de la résidence pour religieuses déplore un accès tardif à la vaccination
La résidence des Soeurs de la Providence à Montréal lutte contre une deuxième éclosion massive de COVID-19, qui a déjà fait une dizaine de morts ces derniers jours. Une situation d’autant plus « regrettable », selon ses dirigeants, qu’ils avaient demandé à avoir accès à la vaccination en même temps que les CHSLD au début du mois de janvier.
C’est au retour des Fêtes, vers le 6 janvier, que sont survenus les premiers cas de COVID-19 à Carrefour Providence, une résidence privée comptant plus de 300 religieuses et dont la moyenne d’âge est de 89 ans. Rapidement, on a procédé à un dépistage massif, explique la directrice générale, Danielle Gaboury. Au fil des jours, le nombre de cas a augmenté de façon exponentielle pour arriver à un total de 81 chez les résidentes et de 40 chez les employés, en date de vendredi.
L’éclosion est loin d’être terminée puisque, malgré certains cas rétablis, il reste encore plus d’une trentaine de cas positifs chez les résidentes. Seulement 12 membres du personnel sont rétablis et de retour en poste.
Onze résidentes sont décédés, dont 10 du côté de l’infirmerie — qui s’apparente à un CHSLD pour les soins de longue durée qui y sont dispensés — et 1 du côté des résidentes autonomes ou semi-autonomes.
Le président du syndicat, Farid Larab, dénonce une « gestion catastrophique » de la direction de l’établissement. « Ils ont perdu le contrôle dans les deux premières semaines », affirme-t-il en entrevue au Devoir. « On fait des mises à jour avec l’employeur tous les deux jours et on leur suggère des changements qui tardent à venir. »
Selon lui, le manque de personnel est criant, ce que confirme la direction, qui affirme être en recrutement permanent depuis le début de l’éclosion, puisqu’il faut non seulement remplacer le personnel malade, mais également ajouter des bras pour faire face à l’éclosion.
Un deuxième test positif
Dans la résidence d’à côté, la résidence Salaberry, gérée aussi par les Soeurs de la Providence, on compte un total de sept cas : quatre chez les résidentes et trois chez le personnel.
L’une d’entre elles, soeur Rita Richard, avait reçu un test positif lors de la première vague, en mai dernier, et été placée en zone rouge avec plusieurs de ses consoeurs. Des mois plus tard, à sa grande surprise, elle a à nouveau été déclarée positive et placée en zone rouge. « Je ne me sentais pas malade, je n’avais aucun symptôme, assure-t-elle au Devoir. C’était une grande déception, mais au lieu de rechigner, j’essayais de regarder les bons côtés. J’ai fait mon temps et j’ai pu regagner ma chambre. »
Ce qu’elle a trouvé le plus difficile, c’était l’isolement. « Jamais je n’ai eu peur de mourir, précise-t-elle. Mais je remercie le ciel à tous les jours ! »
Selon elle, le personnel et l’administration ont été « extraordinaires dans leur dévouement » et ont multiplié les petites attentions qui font du bien.
Vaccination tardive
Le Devoir s’était rendu en mai dernier dans les deux résidences des Soeurs de la Providence, qui luttaient alors contre la première vague de COVID-19. Les soeurs étaient dépassées par les événements et demandaient de l’aide au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal. « La différence, cette fois-ci, c’est qu’on a un beau partenariat avec le CIUSSS du Nord, explique la directrice générale, Danielle Gaboury. On peut souligner également que nous avons beaucoup appris de la première vague et que beaucoup de mesures de prévention et de contrôle des infections étaient déjà en place. »
Mais il y a un hic, déplore MarieAndrée Guillemette, directrice des soins et des services cliniques. « La seule chose qui est regrettable, c’est que le côté infirmerie de l’établissement n’a pas été considéré comme un CHSLD dans la priorisation de la vaccination, ce qui fait que, plutôt que d’être vaccinées dès le bloc 1, au début janvier, on est vaccinées aujourd’hui [le 3 février]. »
Selon elle, c’est un problème de nomenclature qui a empêché ses résidentes les plus fragiles d’être vaccinées plus tôt en janvier. « Au niveau administratif, nous sommes inscrits sous le nom de communauté religieuse, ce n’est pas écrit CHSLD privé, par exemple. Donc, malgré le fait que nous avons vraiment identifié que le côté infirmerie, ce sont des soins de longue durée qui sont similaires à ceux donnés dans un CHSLD ; cette catégorisation a été maintenue dans les critères de priorisation. »
Des demandes ont été faites du côté de l’établissement pour tenter de convaincre le CIUSSS du Nord-de-l’Île-deMontréal de revoir la catégorisation de l’infirmerie, mais celles-ci sont restées vaines. « Il faut toujours se battre pour faire reconnaître les droits des résidentes et avoir accès aux mêmes services que les CHSLD », ajoute la directrice générale, Danielle Gaboury.
Si on avait pu vacciner les résidentes de l’aile infirmerie plus tôt, est-ce qu’il y aurait eu moins de dommages ? « Assurément », répond Marie-Andrée Guillemette.
Du côté du CIUSSS, on répond par courriel que « les catégories priorisées ont été déterminées par Québec ». Ainsi, les résidences des Soeurs de la Providence se situent dans la troisième catégorie, soit celle des « personnes autonomes ou en perte d’autonomie qui vivent en résidence privée pour aînés (RPA) ou dans certains milieux fermés hébergeant des personnes âgées ».
On confirme par ailleurs que les équipes se sont déplacées le 3 février afin de vacciner 330 usagers.
La directrice de la clinique estime, avec confiance, que la vaccination « va freiner la poursuite de l’éclosion » et « casser la courbe » pour lui permettre de redevenir une « zone froide d’ici trois à quatre semaines ».
Il faut toujours se battre pour faire reconnaître les droits des résidentes et avoir accès aux mêmes services que les CHSLD
DANIELLE GABOURY