Le Devoir

Le manoir Taschereau a été détruit par un incendie criminel

- PATRIMOINE JEAN-FRANÇOIS NADEAU

Une enquête de la Sûreté du Québec confirme que l’incendie qui a complèteme­nt détruit le manoir Taschereau est le fait de mains criminelle­s. À la suite d’une journée d’expertises, c’est le résultat auquel en sont arrivés les enquêteurs de la police nationale québécoise.

Les pompiers appelés sur les lieux mardi soir vers 23 h avaient constaté que tout le second étage flambait et qu’un autre foyer d’incendie se trouvait au rez-de-chaussée, au pied de l’escalier principal. Le brasier était déjà tel qu’il leur était impossible d’entrer. Dans une entrevue au Devoir, le directeur des pompiers de Sainte-Marie, Serge Fecteau, ne cachait pas que la nature de cet incendie avait d’emblée été jugée bizarre. « Quand nous sommes arrivés, le feu était déjà répandu à la grandeur du second étage. Il attaquait aussi le toit. Et il y avait un autre feu devant la porte d’entrée, au pied de l’escalier. »

En février 2020, il y a tout juste un an, une autre maison patrimonia­le d’un haut intérêt national, la maison Busteed en Gaspésie, la plus ancienne de la région, avait été incendiée par des mains criminelle­s, après qu’elle eut été laissée à l’abandon. La situation avait été dénoncée à plusieurs reprises sans que rien n’y fasse.

« Nonchalanc­e et incurie »

Très impliqué dans la défense et la sensibilis­ation à l’égard du patrimoine au Québec, le Groupe d’initiative­s et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) accuse le ministère de la Culture et des Communicat­ions de « nonchalanc­e et d’incurie » dans le dossier du manoir Taschereau. « Voilà les mots qui ont probableme­nt conduit à cette autre flambée patrimonia­le », avance le groupe, qui dénonce le fait que le bâtiment était laissé à l’abandon depuis 22 mois, alors qu’il était en principe sous la protection de l’État.

« Après la démolition d’environ 400 maisons inondées en 2019 dans le centre-ville de Sainte-Marie, dont plus de 200 de bonne valeur patrimonia­le, voilà qu’un des immeubles les plus significat­ifs de l’histoire de la ville et de la Beauce disparaît abruptemen­t », regrette le groupe, qui constate que rien n’a été fait pour le sauver.

En octobre 2019, soit plusieurs mois après les inondation­s, le GIRAM avait déploré que le bâtiment n’ait toujours pas été nettoyé, ce qui laissait la possibilit­é de « développer de potentiell­es moisissure­s au sous-sol et [au] rez-dechaussée ». Or la situation n’a pas été corrigée par la suite, avance le GIRAM. À l’hiver 2020, Le Devoir avait pour sa part constaté que la maison se trouvait toujours bel et bien dans un état d’abandon et que des fenêtres étaient ouvertes, malgré la rigueur du climat de la saison.

Après la démolition d’environ 400 maisons inondées en 2019 dans le centre-ville de SainteMari­e, dont plus de 200 de bonne valeur patrimonia­le, voilà qu’un des immeubles les plus significat­ifs de l’histoire de la ville et de la Beauce disparaît abruptemen­t » GROUPE D’INITIATIVE­S ET DE RECHERCHES APPLIQUÉES AU MILIEU

Des moyens pour la sauver

Le ministère de la Culture et des Communicat­ions devait faire plus qu’informer le propriétai­re de la nécessité d’agir, soutient le GIRAM. La ministre Nathalie Roy aurait dû se prévaloir du régime d’ordonnance de la loi parce qu’il existait « une menace réelle ou appréhendé­e que soit dégradé de manière non négligeabl­e » ce bien de grande valeur patrimonia­le.

La ministre Roy n’a fait aucun commentair­e à l’intention des médias depuis cette nouvelle destructio­n d’un bien culturel qui se trouvait sous la protection de l’État.

Les pompiers n’ont rien pu sauver du brasier. Le manoir Taschereau, construit entre 1809 et 1811, a été occupé par une succession de notables : seigneur, juge, évêque, premier ministre.

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