« BoJo » contre les séparatistes
Après la COVID-19… ce sera : priorité à la question nationale ! Non, nous ne sommes pas à Québec ou à Barcelone… mais à Édimbourg. En Écosse, des sondages répétés depuis huit mois (presque un par semaine) indiquent une double majorité persistante pour la tenue d’un second référendum sur l’indépendance… et pour le « Oui ».
L’avantage des indépendantistes varie généralement de 7 à 11 points. Un sondage du quotidien The Scotsman donnait même, à la mi-janvier, une marge de 51-38 (note : les indécis ne sont jamais répartis par les sondeurs écossais).
La première ministre elle-même, Nicola Sturgeon, ne cesse depuis un an de répéter son argument fondamental en faveur d’une nouvelle consultation : le Brexit change complètement la donne. Confirmé et consommé en 2020, il est vécu par les Écossais pro-européens comme une douloureuse déchirure, imposée de l’extérieur par les Anglais.
Pour rappel : après avoir dit non à l’indépendance en 2014, les Écossais avaient massivement voté contre le Brexit en 2016, par 62-38. À l’échelle du pays, le vote « Leave » ne l’avait emporté que par 52-48.
Pour la populaire première ministre, dès que le combat contre la COVID-19 sera gagné, c’est le statut constitutionnel de l’Écosse qui devra immédiatement revenir sur la table.
D’abord, le Parti national écossais (SNP) doit gagner les élections régionales du 6 mai. Facile et probable, avec un vote SNP prévu dans les 50-55 %... les conservateurs, travaillistes et autres croupissant sous la barre des 20 %.
Pour autant, le chemin s’annonce semé d’embûches. Parce que les indépendantistes écossais sont légalistes. Parce que le précédent de 2014 ne joue pas forcément — contrairement à ce qu’on pourrait croire] en leur faveur. Parce que Boris Johnson, le héraut de la « souveraineté britannique », ne veut rien savoir de celle des Écossais, et se montre prêt à jouer cochon pour la bloquer.
Avec un chantage du type : « Vous voulez l’Union européenne ? Vous aurez une frontière dure avec le Royaume-Uni ! »
Selon Johnson, le Brexit ne doit pas affecter l’équilibre interne entre les quatre nations — une dominante, plus trois petites — qui forment le « Royaume-Uni de GrandeBretagne et d’Irlande du Nord ».
Pas besoin d’un doctorat en science politique pour comprendre qu’une fragmentation à l’international (la séparation face à l’Union européenne) peut engendrer une fragmentation à l’interne… d’autant que le pays en question est formé de nations reconnues de facto comme telles.
Dans une tournure que même des centralisateurs canadiens n’oseraient jamais formuler, Boris Johnson a déclaré en novembre que « la dévolution accordée à l’Écosse a été un désastre ». Entendre ici que, selon lui, on n’aurait jamais dû, en 1997, laisser les Écossais instaurer leur propre parlement à Édimbourg… et qu’il aurait fallu continuer de tout décider à partir de Londres ! Que faire alors ?
Nicola Sturgeon ne veut pas d’un référendum qui ne serait pas, comme en 2014, précédé d’un accord LondresÉdimbourg. L’engagement signé en 2012 par le premier ministre David Cameron ne valait que pour une fois : avec une date, une question précise et l’engagement à respecter la règle du « 50 % plus un ». Boris Johnson prétend que la question est réglée pour 40 ans.
À l’intérieur du SNP, le débat fait rage… Aller devant les tribunaux ? Une instance écossaise vient de rejeter (le 5 février) une requête pour autoriser un nouveau référendum. Continuer jusqu’en Cour suprême ? Johnson pourrait durcir la loi en cours de route. Il y a ceux qui voudraient un référendum « consultatif ». Quoi ? Après le « vrai » de 2014 ?
D’autres sont tentés par la voie catalane, unilatérale… qui a abouti à l’impasse qu’on sait. Les « unionistes » ont déjà averti qu’ils boycotteront une telle initiative, dont les chiffres seraient dès lors faussés. L’Union européenne resterait ensuite de glace face à une candidature écossaise.
Ça va donc jouer très dur… Et on découvre le vrai Anglais derrière « BoJo » : impitoyable avec les méchants séparatistes.