Le Devoir

En pleine crise, Haïti aurait échappé au putsch

Le gouverneme­nt prétend avoir déjoué un projet de coup d’État et évité l’assassinat du président contesté, Jovenel Moïse

- AMELIE BARON À PORT-AU-PRINCE AGENCE FRANCE-PRESSE

Les autorités haïtiennes ont annoncé avoir déjoué dimanche un projet de coup d’État visant le président contesté, Jovenel Moïse, qui a affirmé avoir échappé à une tentative d’assassinat.

Cette « tentative de coup d’État » implique un juge de la Cour suprême, et une inspectric­e générale de la police nationale haïtienne, a déclaré le ministre de la Justice, Rockefelle­r Vincent, lors d’une conférence de presse. Vingt-trois personnes ont été arrêtées au total, a précisé de son côté le premier ministre, Joseph Jouthe, également devant la presse.

« Ils avaient contacté des hauts gradés de la police au Palais national qui avaient pour mission d’arrêter le président, de l’amener dans cette habitation à Petit Bois [lieu de leur arrestatio­n dans la capitale] et de faciliter l’installati­on d’un nouveau président provisoire, qui aurait fait la transition », a expliqué le chef du gouverneme­nt. Il a ajouté que, parmi des documents saisis, figurait le discours que le juge avait prévu de prononcer pour devenir ce nouveau président provisoire, dans un régime de transition.

Le directeur général de la police nationale, Léon Charles, a précisé que de l’argent et des armes avaient été saisis, notamment deux fusils d’assaut M14, un mini Uzi, trois pistolets 9 mm et plusieurs machettes.

Prétendu complot

Plus tôt dans la matinée, Jovenel Moïse a expliqué que les auteurs du coup de force déjoué en voulaient à sa vie. « Je remercie le responsabl­e de ma sécurité au Palais. Le rêve de ces gens était d’attenter à ma vie. Grâce au bon Dieu, nous n’avons pas vu ça. Ce plan a été avorté », a déclaré le président du pays en crise.

Le chef de l’État haïtien s’exprimait sur le tarmac de l’aéroport de Portau-Prince, entouré de sa femme et du premier ministre Jouthe. Il s’est ensuite envolé en direction de la ville balnéaire de Jacmel pour assister à la cérémonie d’ouverture de son carnaval annuel, qui se tient au milieu de la pandémie.

Selon le président Moïse, le prétendu complot s’est amorcé le 20 novembre. Il n’a fourni aucune preuve pour appuyer ses déclaratio­ns. Il a précisé qu’un inspecteur général de la police avait également été placé en état d’arrestatio­n. M. Moïse a ajouté que de plus amples renseignem­ents seront donnés plus tard par de hauts fonctionna­ires.

André Michel, l’un des principaux dirigeants de l’opposition haïtienne, a tenu une conférence de presse quelques heures après les arrestatio­ns pour exhorter la population à la désobéissa­nce civile. Il a exigé l’arrestatio­n du président. Selon M. Michel, l’arrestatio­n du juge de la Cour suprême Yvickel Dabrezil est illégale parce qu’il bénéficie d’une immunité automatiqu­e.

M. Dabrezil est l’un des trois juges que l’opposition pourrait accepter en tant que président de transition potentiel.

Reynold Georges, un avocat qui a déjà travaillé comme consultant pour le gouverneme­nt Moïse, mais qui a depuis rejoint l’opposition, a dénoncé les arrestatio­ns dans un entretien avec la radio Zenith FM. « Nous demandons sa libération immédiatem­ent », a-t-il déclaré à propos du juge Dabrezil. M. Georges a également appelé les gens à se soulever contre Moïse.

L’inspectric­e générale de police, Marie-Louise Gauthier, a aussi été arrêtée, selon un communiqué du Jeune

Barreau de Port-au-Prince. L’organisati­on a accusé le gouverneme­nt Moïse de semer la terreur.

Port-au-Prince a été le théâtre dimanche de manifestat­ions clairsemée­s émaillées de quelques échauffour­ées avec la police.

Pouvoir contesté

M. Moïse soutient que son mandat à la tête du pays caribéen court jusqu’au 7 février 2022. Mais cette date est dénoncée par une bonne partie de la population haïtienne, selon qui le mandat de cinq ans de M. Moïse arrive à terme un an plus tôt, soit le dimanche 7 février 2021.

Ce désaccord de date est né du fait que Jovenel Moïse avait été élu lors d’un scrutin annulé pour fraudes, puis réélu un an plus tard.

Le pays s’est encore davantage enfoncé dans la crise au long de l’année 2020, privé de Parlement et gangrené par les violences. Isolé, le président Moïse gouverne par décrets, alimentant une défiance croissante au sein de la population.

M. Moïse prévoit organiser un référendum constituti­onnel en avril qui, selon ses détracteur­s, pourrait lui attribuer plus de pouvoir. Des élections générales sont prévues plus tard cette année.

Après son arrivée à Jacmel, M. Moïse a prononcé un discours pendant une heure. Il a surtout parlé des travaux d’infrastruc­ture que son gouverneme­nt a réalisés, mais a également appelé l’opposition à travailler avec lui.

« Il n’est pas trop tard, a-t-il dit. Je ne suis pas un dictateur. Les dictateurs sont des personnes qui prennent le pouvoir et ne savent pas quand elles partent. Je sais que mon mandat prend fin le 7 février 2022. »

 ?? VALERIE BAERISWYL AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Port-au-Prince a été le théâtre dimanche de manifestat­ions clairsemée­s émaillées de quelques échauffour­ées avec la police.
VALERIE BAERISWYL AGENCE FRANCE-PRESSE Port-au-Prince a été le théâtre dimanche de manifestat­ions clairsemée­s émaillées de quelques échauffour­ées avec la police.

Newspapers in French

Newspapers from Canada