Le Devoir

Ruée vers les friperies

Des files se sont formées lundi à l’entrée de plusieurs établissem­ents

- ROXANE LÉOUZON LE DEVOIR

De nombreuses personnes à faible budget attendaien­t ce moment avec impatience. Des files d’attente se sont formées devant plusieurs friperies dès leur ouverture, lundi matin, après un mois et demi de fermeture. Ginette Fortin attendait avec une quinzaine de personnes, vers 11 h 30, pour entrer au Village des valeurs, rue Ontario, afin de se procurer des sousvêteme­nts. « Il m’en faut. Et je n’ai pas d’Internet, pas d’ordinateur », a-t-elle souligné.

Mme Fortin n’est pas la seule à avoir mentionné qu’elle ne faisait pas d’achats sur Internet. C’est aussi le cas de Gary Carp, qui se trouvait non loin d’elle dans la file d’attente. « Il me manque des pantalons de jogging, des pyjamas. Je ne pouvais pas en acheter… Pourtant, c’est essentiel », a-t-il indiqué.

Selina Burgess, elle, dit s’être empêchée d’acquérir de nouveaux vêtements près de deux mois, puisqu’elle achète tout de seconde main, par principe. Plusieurs friperies comme Renaissanc­e et le Village des valeurs n’offraient pas de services de livraison ni de vente en ligne.

La majorité des 16 friperies et des 3 librairies Renaissanc­e ont été particuliè­rement achalandée­s toute la journée, avec des files d’attente pouvant aller jusqu’à 40 personnes, selon la directrice des communicat­ions, Marie-Claude Masson. « On a dû limiter la durée des visites pour que tous les gens qui ont besoin de s’habiller puissent s’habiller », a-t-elle souligné, ajoutant que l’organisme a aussi reçu lundi un très grand nombre de dons, qui avaient eux aussi été mis sur pause.

Mme Masson précise que son organisati­on avait prévu un fort achalandag­e. « On pense que beaucoup de gens ont perdu leur emploi ou ont un salaire plus faible et qu’il y a une demande accrue pour des vêtements et des articles de maison à petits prix. »

Laissés pour compte

Cette situation n’étonne pas Virginie Larivière, co-porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté. « On voit que la fermeture des magasins a eu un impact sur les gens en situation de pauvreté, dont certains n’ont pas Internet ou n’ont pas de carte de crédit, a-t-elle expliqué. On a eu des témoignage­s disant que ça a été difficile pour certaines personnes de faire des achats essentiels pendant le confinemen­t. » Elle a mentionné notamment les parents dont les enfants ont grandi rapidement et qui se sont retrouvés avec des vêtements trop petits.

« Ça prouve que, quand des décisions sont prises pour le plus grand nombre, il y a souvent des angles morts. On oublie les personnes en situation de pauvreté », a déploré Mme Larivière. Le Collectif pour un Québec sans pauvreté réclame notamment un soutien financier supplément­aire pour les personnes assistées sociales, entre autres pour les aider à assumer certaines dépenses, comme des masques ou du désinfecta­nt pour les mains. Il demande aussi que le gouverneme­nt soit plus à l’écoute, lors de ses prochaines décisions, des groupes de défense des droits des personnes à faible revenu.

Ça prouve que, quand des décisions sont prises pour le plus grand nombre, il y a souvent des angles morts. On oublie les personnes en situation de pauvreté.

VIRGINIE LARIVIÈRE

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? La majorité des 16 friperies et des 3 librairies Renaissanc­e ont été particuliè­rement achalandée­s toute la journée, avec des files d’attente pouvant aller jusqu’à 40 personnes.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR La majorité des 16 friperies et des 3 librairies Renaissanc­e ont été particuliè­rement achalandée­s toute la journée, avec des files d’attente pouvant aller jusqu’à 40 personnes.

Newspapers in French

Newspapers from Canada