Le Devoir

Mort de Jean-Claude Carrière

Le scénariste et écrivain français était au générique de films majeurs de Buñuel et de Forman

- 1931-2021 CLAUDE CASTERAN À PARIS AGENCE FRANCE-PRESSE

Jean-Claude Carrière, écrivain français prolifique et scénariste aux côtés notamment de Luis Buñuel, mort lundi à l’âge de 89 ans, se définissai­t comme un « conteur », « plus attiré par son différent que par son semblable ».

Apprécié autant par la critique que par le public, il était un véritable « athlète » de l’écriture, à la croisée des chemins entre cinéma, théâtre et littératur­e. Au total, il a signé une soixantain­e de scénarios ainsi qu’environ 80 ouvrages (récits, essais, comme ses Dictionnai­res amoureux de l’Inde et du Mexique, traduction­s, fictions, entretiens). Il a été en outre acteur, dramaturge et parolier pour Juliette Gréco, Brigitte Bardot ou Jeanne Moreau.

« J’ai travaillé toutes les formes d’écriture. Je pense que je possède un bon arsenal. Il y a quelque chose en moi qui se satisfait d’être au service d’un auteur, de se couler dans sa pensée, de l’adapter au mieux. Je n’ai pas d’ego », assurait cet humaniste distingué et affable à la grande puissance de travail et à l’humour corrosif.

Costaud, solide, barbe courte et moustache légère poivre et sel, cheveux courts, Jean-Claude Carrière a placé sa vie sous le signe des « rencontres, des amitiés et des maîtres de vie », comme le dalaï-lama, avec lequel il a écrit un livre, ou le cinéaste espagnol Luis Buñuel, avec lequel il collabora 19 ans, jusqu’à sa mort.

Autre rencontre importante : celle du dramaturge britanniqu­e Peter Brook, pour qui il adapta à la scène l’inégalé Mahâbhârat­a, épopée de la mythologie hindoue, présentée pendant neuf heures d’affilée au festival d’Avignon en 1985 devant un public sous le choc. « Le voir en oubliant que je l’avais écrit fut un des grands bonheurs » de ma vie, assurait-il.

La passion des religions

« Radicaleme­nt athée », mais « passionné par la religion et ses déviances », étranger à tout fanatisme, il a écrit sur le bouddhisme et l’hindouisme, mais aussi sur le christiani­sme avec son roman le plus célèbre, La controvers­e de Valladolid, sur la conquête du Nouveau Monde par les Espagnols, décliné en pièce et en adaptation télévisée.

On lui doit également des travaux sur l’islam (par ses traduction­s de poésie persane, avec son épouse, l’écrivaine iranienne Nahal Tajadod, dont il a eu une fille).

Comme scénariste, il est au générique de films majeurs : Le journal d’une femme de chambre, Belle de jour et Le charme discret de la bourgeoisi­e (Luis Buñuel), Taking Off (Milos Forman), Borsalino (Jacques Deray), Le tambour

(Volker Schlöndorf­f, Palme d’or à Cannes), Danton (Andrzej Wajda, prix Louis Delluc 1982), L’insoutenab­le légèreté de l’être (Philip Kaufman), Cyrano de Bergerac (Jean-Paul Rappeneau),

Le retour de Martin Guerre (Daniel Vigne), qui lui vaut le César du meilleur scénario en 1983.

Il a reçu en 2014 un Oscar d’honneur pour son oeuvre de scénariste.

Né à Colombière­s-sur-Orb le 17 septembre 1931 de parents viticulteu­rs montés près de Paris en 1945 pour ouvrir un café, le jeune homme se révèle vite un élève brillant.

Actif malgré l’âge, il avait écrit en 2018 un dernier essai, La vallée du néant,

et cosigné en 2020 le scénario du film

Le sel des larmes, de Philippe Garrel.

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