Le Devoir

Mamadi III Fara Camara déçu par les enquêtes annoncées |

Le juge Louis Dionne aura le mandat de se pencher sur le sort réservé que lui a réservé le SPVM

- AMÉLI PINEDA

L’avocate de M. Camara a précisé que la page n’est pas tournée pour autant, puisque son client étudie toujours la possibilit­é d’intenter une poursuite civile

Mamadi III Fara Camara s’avoue déçu par les enquêtes annoncées mardi pour faire la lumière sur son arrestatio­n et son accusation à tort de tentative de meurtre sur un policier. Le Montréalai­s et sa famille auraient préféré qu’elles prennent la forme d’une enquête publique plutôt que d’être menées selon la Loi sur la police.

« M. Camara pourrait n’avoir qu’un rôle très secondaire dans ces deux enquêtes », souligne un de ses avocats, Me Alain Arsenault. « Les enquêtes annoncées prennent la forme d’une enquête interne, mais ce ne sont pas des enquêtes indépendan­tes comme lorsqu’on déclenche une commission d’enquête », explique-t-il.

Mardi, Québec a annoncé que le travail du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ayant mené à l’arrestatio­n et à l’accusation de M. Camara sera scruté en détail par le juge Louis Dionne. L’enquête, qui débutera le 22 février prochain, s’échelonner­a sur une période maximale de cinq mois et mènera au dépôt d’un rapport.

Il se peut toutefois que ce rapport ne soit pas entièremen­t rendu public, a précisé la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault. Sa publicatio­n se fera « dans la mesure où il sera possible de le faire sans nuire à une enquête policière ou à d’éventuelle­s poursuites judiciaire­s », a-t-elle fait valoir.

« La forme actuelle de cette enquête ne donne aucune garantie minimale qu’on pourra véritablem­ent faire la lumière sur les événements, car on ne saura même pas qui sera rencontré et qui seront les témoins. C’est une enquête qui se fera à huis clos », se désole quant à lui Me Arsenault.

Profilage racial ?

À Québec, le premier ministre François Legault a assuré que l’enquête permettra de donner des réponses aux Québécois « qui n’aiment pas ce qu’ils entendent depuis une semaine ». « Je peux comprendre que les gens veulent des réponses », a-t-il commenté en marge d’un point de presse sur la pandémie.

Selon lui, cette investigat­ion déterminer­a notamment s’il y a eu ou non profilage racial, une hypothèse qu’il n’a pas voulu aborder de front. « Nous n’avons pas suffisamme­nt d’informatio­ns pour savoir s’il s’agit d’un cas de racisme », a soutenu M. Legault, insistant sur la nécessité d’« aller au fond des choses » avant de voir dans l’interventi­on du SPVM un lien avec du racisme ou du profilage.

« Le juge Dionne pourra répondre à cette question, quant aux motivation­s et aux raisons pour lesquelles cela s’est passé de cette façon et s’il en avait été de même si c’était une personne blanche », a-t-il noté, se gardant de prononcer le terme « racisme systémique ».

De son côté, le SPVM a indiqué par courriel « respecter » la décision prise par Québec. « Nous ferons preuve de collaborat­ion et de transparen­ce tout au long du processus », a souligné le corps de police.

Le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) a aussi annoncé qu’une enquête sur le traitement judiciaire du dossier de M. Camara sera menée et espère pouvoir aussi confier le mandat au juge Dionne.

Plante satisfaite

Sur la scène politique, l’enquête sur le SPVM a été bien accueillie. « L’enquête annoncée répond aux objectifs souhaités, soit une enquête neutre sur tout le processus menant à la confirmati­on d’innocence de M. Camara », a écrit sur Twitter la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

M. Camara a passé six jours en prison à cause d’une erreur sur la personne. Il a été faussement identifié comme le principal suspect de la violente agression contre policier Sanjay Vig, le 28 janvier dernier. L’homme de 31 ans a accepté les excuses offertes en personne lundi par le chef du SPVM, Sylvain Caron.

Son avocate a cependant précisé que la page n’est pas tournée pour autant, puisque celui-ci étudie toujours la possibilit­é d’intenter une poursuite civile. Quant au véritable agresseur, il n’a toujours pas été retrouvé.

 ?? MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR ?? Mamadi III Fara Camara (à gauche), accompagné par ses proches à sa sortie du palais de justice de Montréal, le 3 février dernier
MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Mamadi III Fara Camara (à gauche), accompagné par ses proches à sa sortie du palais de justice de Montréal, le 3 février dernier

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