Québec étend son filet pour attraper les variants
Tous les échantillons déclarés positifs passeront un test de criblage rapide
Alors que certains variants du SRASCoV-2 ne cessent de progresser dans le monde, y compris chez nos voisins ontariens, Québec s’active à déployer une nouvelle stratégie permettant d’accélérer la recherche des cas de variants préoccupants, dont la présence a déjà été confirmée chez 11 personnes.
Cette stratégie consistera à soumettre tous les échantillons qui sont déclarés positifs à la COVID-19 par un laboratoire hospitalier à un second test PCR permettant de repérer ceux qui contiennent un variant britannique, sud-africain ou brésilien.
Cette méthode devrait être plus efficace et plus rapide que le séquençage génétique pour dépister les personnes infectées par un des trois principaux variants qui circulent dans le monde, car les résultats de ce test PCR sont obtenus en 24 heures alors que ceux qui sont issus du séquençage du génome des virus d’un échantillon ne sont disponibles que 7 à 10 jours plus tard. De plus, comme le séquençage est une technique complexe et coûteuse, seulement 8,5 % des cas déclarés positifs font actuellement l’objet d’une telle analyse génétique.
Ce test PCR de criblage qui sera déployé dans tous les laboratoires cliniques des hôpitaux du Québec permettra donc d’accélérer l’identification des cas possibles de variant et ainsi de lancer plus rapidement les interventions de santé publique appropriées, soit le confinement des cas et la recherche de leurs contacts, etc.
La semaine dernière, le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) affirmait avoir mis au point un test de dépistage de la COVID-19 permettant aussi d’identifier la mutation associée au variant britannique. Mais dans le but d’améliorer « la capacité de recherche » des cas infectés par un variant, il a décidé
de faire également appel à des tests commerciaux pouvant dépister les trois variants, notamment ceux des compagnies Roche et Seegene dans un premier temps. « Le test de Roche permet de rechercher une mutation au niveau du gène codant pour la protéine S du virus qui est commune aux variants anglais, sudafricain et brésilien », a précisé le Dr Michel Roger, directeur médical du LSPQ.
« Tous les cas qui s’avéreront positifs au dépistage de la COVID-19 seront testés à nouveau par ces tests-là pour voir si les virus de l’échantillon appartiennent à l’un de ces trois variants. Si c’est le cas, on avisera rapidement la Santé publique pour qu’elle contacte dans les plus brefs délais le patient et qu’elle mette en place une intervention. Par la suite, l’échantillon sera envoyé au LSPQ pour être séquencé afin de préciser lequel des trois variants est présent dans l’échantillon », a expliqué le Dr Roger.
Soucieux de dépister le plus tôt possible les cas infectés par un variant préoccupant, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval a pour sa part déjà commencé une démarche similaire. Depuis lundi 9 février, tous les prélèvements qui sont déclarés positifs à la COVID-19 lors du test diagnostic sont envoyés au laboratoire lavallois Cirion qui soumet ces échantillons positifs à un autre test PCR capable de détecter le variant britannique.
Ce test dénommé TaqPath, de la compagnie Thermo Fisher Scientific, qui est utilisé depuis mars 2020 pour dépister les cas positifs « détecte » trois gènes différents (S, N, et ORF) du SRAS-CoV-2 dans les échantillons prélevés. Comme la séquence du gène S qui est ciblée par le test a muté chez les virus appartenant au variant britannique, le test ne reconnaît pas ce gène S, alors qu’il détecte les deux autres, explique la Dre Maude Saint-Jean, cheffe du département de microbiologie et infectiologie du CISSS de Laval. « On commence par cette méthode très simple qui existe déjà, et quand Cirion nous préviendra 24 heures plus tard qu’ils ne voient pas le gène S, mais qu’ils voient très bien les deux autres gènes, on aura une suspicion de variant. On enverra ces cas possibles de variants au LSPQ pour qu’ils soient confirmés par séquençage », précise-t-elle.
« Le séquençage est très cher et beaucoup plus long à réaliser. Le temps qu’on reçoive le résultat, il y a plusieurs jours
qui se sont écoulés durant lesquels on aurait pu procéder au traçage, à des mesures de confinement, à plus de dépistage. Faire un criblage de tous nos cas positifs nous permet de mettre en branle plus rapidement les démarches de santé publique. Tant qu’une bonne proportion de la population ne sera pas vaccinée, on préfère être proactif plutôt que de ne pas en faire assez et de perdre le contrôle des variants », poursuit-elle.
La méthode de séquençage demeure toutefois essentielle, car « elle permettra de découvrir de nouveaux variants qui pourraient émerger au Québec », souligne le Dr Roger tout en précisant que grâce à un financement de 11,1 millions, le LSPQ recevra l’aide du Centre de génome de McGill et de Génome Québec pour augmenter la capacité de séquençage qui pourrait ainsi atteindre 10 % des cas positifs dans une première phase et même 15 % par après, a indiqué le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, en conférence de presse mardi.
Mardi, les libéraux ont accusé le gouvernement caquiste d’avancer à pas de tortue. « On est encore en retard », a déploré la députée Marie Montpetit. « L’arrivée des variants, c’est extrêmement préoccupant. Quand on voit la vitesse à laquelle ça se multiplie en Europe à l’heure actuelle et la vitesse à laquelle ça va devenir le virus dominant. La vitesse à laquelle c’est en train de se multiplier aux ÉtatsUnis. Le fait que c’est en train d’arriver dans d’autres provinces également. »
Le Dr Roger affirme que des kits de tests de dépistage de variants ont déjà été commandés. Dès leur réception, ils seront distribués aux hôpitaux. D’ici là, le TaqPath qui est déjà utilisé par six laboratoires hospitaliers du Québec pour dépister les cas positifs pourra servir à faire un premier criblage. Le test PCR développé par le LSPQ également. « De nouveaux tests permettant de discriminer les principaux variants préoccupants seront intégrés à mesure qu’ils deviendront disponibles », dit le Dr Roger qui croit que d’ici deux à trois semaines, la majorité des échantillons positifs pourront être vérifiés.