Le Devoir

Les masques N95 seront obligatoir­es en « zone chaude »

Près de 40 000 infections plus tard dans le réseau de la santé, Québec resserre la vis

- ISABELLE PARÉ

Le port du masque N95 sera désormais obligatoir­e pour les employés du réseau de la santé et ceux des résidences pour aînés (RPA) oeuvrant en « zone chaude », après 10 mois d’une pandémie qui aura fait 16 morts et près de 40 000 malades parmi les soignants. Une nouvelle qui réjouit les syndicats, mais qui pourrait ne pas éradiquer les infections, estiment certains experts.

Le gouverneme­nt Legault a émis mardi soir cette nouvelle directive, qui a pour effet d’étendre le port du masque N95 à tous employés placés dans des situations à risque de transmissi­on par aérosols en établissem­ents et dans les résidences pour aînés (RAP).

Cette volte-face survient des mois après les demandes répétées des syndicats, alors que les avis sur les risques de transmissi­on possible du virus par aérosols s’additionne­nt. Québec se range notamment derrière l’avis émis le 27 janvier par l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) voulant que soit doté d’une protection accrue les employés oeuvrant dans des situations « d’éclosions non contrôlées », et derrière celui de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), qui a prôné mardi l’accès aux masques N95 à tout employé oeuvrant en zone chaude.

« La bonne nouvelle, c’est [qu’]en plus des masques, des N95, maintenant, on en a », a insisté en point de presse le premier ministre François Legault, précisant qu’un fournisseu­r québécois participer­ait à l’approvisio­nnement.

Le ministère de la Santé (MSSS) a précisé au Devoir que ces masques seront fournis seulement aux employés susceptibl­es d’être exposés aux aérosols quand ils travaillen­t dans un « regroupeme­nt de personnes infectées », lors d’une exposition prolongée, ou dans des espaces mal ventilés ou restreints. La nouvelle directive remplace l’ordonnance de la Direction nationale de la santé publique émise le 8 juin, qui prohibait l’usage du N95, sauf aux employés prodiguant des interventi­ons médicales générant des aérosols (IMGA). Actuelleme­nt, 10 000 masques N95 sont utilisés chaque jour. Grâce à la réserve actuelle de 6 millions de masques, le MSSS estime pouvoir répondre à la demande que générera la nouvelle directive.

Pas la panacée

Mais selon certains experts, le port du masque N95 ne réglera pas par miracle la problémati­que des infections chez les travailleu­rs de la santé, dont 39 581 ont été infectés (en date du 9 février) depuis le début de la pandémie, dont plus de la moitié au cours de la deuxième vague (plus de 22 000). « La transmissi­on est faible dans les zones chaudes, elle se fait surtout lors d’interactio­ns sociales entre employés, hors de leurs zones de travail », estime le D Karl Weiss, infectiolo­gue à l’Hôpital général juif.

Ce dernier s’étonne d’ailleurs de cette décision qui passe de l’interdicti­on presque totale à l’autre extrémité du balancier. À son avis, l’arrivée de variants plus contagieux ne justifie pas le port plus étendu du masque N95. « Les variants ne changent pas le mode de transmissi­on du virus. Ils augmentent le risque d’être infecté si le virus atteint votre système. Si on est bien protégé, que ce soit par un masque ordinaire ou un N95, il n’y a pas plus de transmissi­on. Mais si on est mal protégé et que le virus atteint les voies respiratoi­res, il infecte plus. Ce que fait le N95, c’est de bloquer les aérosols. Mais pour l’instant, on ne sait pas si les variants sont plus aérosolisé­s », dit-il.

Trop tard ?

La Fédération interprofe­ssionnelle de la santé (FIQ) qui représente 75 000 infirmière­s, infirmière­s auxiliaire­s et inhalothér­apeutes, a salué ce revirement, bien que survenu « 10 mois trop tard ». « Ça aurait dû être fait il y a longtemps. On aurait pu utiliser le principe de précaution, même s’il y avait divergence­s entre les experts », déplore Linda Lapointe, vice-présidente, santé et sécurité au travail de la FIQ.

Ce syndicat juge que la nouvelle directive devrait s’étendre aux zones tièdes, là où des employés côtoient des patients potentiell­ement infectieux. Il n’entend d’ailleurs pas abandonner les recours engagés en Cour supérieure et au Tribunal du travail pour faire clarifier les pouvoirs de la Direction de la santé publique et statuer sur l’imputabili­té du gouverneme­nt dans les infections survenues. « Pendant des mois, des travailleu­rs ont été placés à risque ! » dit-elle.

Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSS-CSN), qualifie quant à lui ce revirement de « grand pas en avant » puisqu’il touchera tous les types d’emploi. La CSN tout comme la FIQ n’étaient pas en mesure de déterminer mardi combien de leurs membres seront touchés par la nouvelle directive.

Pendant des mois, des travailleu­rs ont »

été placés à risque ! LINDA LAPOINTE

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ELAINE THOMPSON ASSOCIATED PRESS Selon certains experts, le port du masque N95 ne réglera pas automatiqu­ement le problème des infections dans le réseau de la santé.

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