Un ballet bien réglé pour évaluer les tests rapides
Une école d’Outremont participe à un projet pilote qui illustre de quelle manière et jusqu’à quel point ces outils peuvent contribuer au dépistage de la COVID-19
Quatre filles sortent de la classe. Elles s’installent chacune devant un pupitre dans le large corridor décoré de boiseries. Le nécessaire pour passer un test rapide de COVID-19 les y attend. Le protocole, simple, mais un peu militaire, est adouci par les instructions de Kelsey Adams, une assistante de recherche pour le moins dynamique. À force de salive et de mucus nasal, on tentera de lever le voile sur les infections qui pourraient se cacher chez des élèves sans symptômes apparents.
Au coeur de l’exercice : se récurer le nez grâce à un long coton-tige. « OK tout le monde, on va faire cinq gros tours de la première narine », s’époumone Mme Adams sous son masque et sa visière. Elle lève ses doigts vers le ciel et décrit de grands cercles. Nul besoin d’aller se gratter le cerveau, mais il faut quand même bien frotter. Les filles, des étudiantes de cinquième secondaire au Pensionnat du Saint-Nomde-Marie, à Montréal, se regardent entre elles, échangeant de discrets sourires tout en tournant le poignet.
« Garde la position », ordonne ensuite gentiment la lieutenante sanitaire après que Lila, l’une des élèves choisies aléatoirement ce matin, a déposé son coton-tige dans une éprouvette de plastique. Au fond de celle-ci se trouve un liquide qui dissout le mucus prélevé. La grande ado regarde de manière perplexe le mur devant elle, en attendant la prochaine étape.
Son échantillon nasal sera analysé dans quelques minutes grâce à un test rapide PanBio, de la compagnie Abbott. Le Québec dispose de près de deux millions d’exemplaires de ces tests qui, selon plusieurs spécialistes, pourraient révolutionner la stratégie de dépistage. On en fait pourtant une utilisation parcimonieuse dans la province, par crainte des faux négatifs.
Le Pensionnat du Saint-Nom-deMarie, une école privée pour filles dans Outremont, et l’école secondaire Calixa-Lavallée, dans Montréal-Nord, participent malgré tout à un projet pilote, mené par la chercheuse Caroline Quach de l’hôpital Sainte-Justine, pour déterminer la performance du test PanBio en contexte scolaire. À cette fin, des échantillons de salive destinés à une analyse plus conventionnelle grâce à un test PCR (amplification en chaîne par polymérase), sont également prélevés. Ils servent à contre-vérifier les résultats des tests rapides.
Contribuer à la recherche
Dans le corridor, la chorégraphie se poursuit. Au signal, les quatre filles gobent 5 ml d’eau. Elles balancent le liquide de gauche à droite dans leur bouche, puis se gargarisent. Elles répètent la séquence, puis crachent en synchronisme dans un gobelet. Mme Adams fait le tour des pupitres, voyant à ce que le mélange de salive et d’eau atteigne désormais la barre des 7 ml. Puisque tout est beau, les élèves sont libérées.
Margot apprécie le fait de participer à ce projet, qui bénéficie à la santé de sa classe, mais contribue aussi à la recherche.
« Les gens sont quand même craintifs avec les tests de dépistage réguliers, dit-elle. J’ai entendu parler de personnes qui ne vont pas se faire tester parce qu’elles se disent : “Ah, mes symptômes sont légers, vaut mieux que j’attende”. Si on nous permet d’avoir des tests plus faciles, à mon avis, il va y avoir plus de personnes qui vont se faire tester. Et c’est de ça qu’on a besoin. »
« Ça permet de savoir si les écoles sont véritablement un vecteur de contamination, souligne quant à elle Gabrielle. C’est important de savoir s’il y a plusieurs personnes qui sont asymptomatiques, ou pas. Et si on voit qu’il y a quelqu’un dans notre classe qui est positif, on peut tout de suite le mettre en quarantaine et ne pas nécessairement contaminer les autres classes. »
Deux étages plus bas, l’équipe de recherche a transformé l’infirmerie de l’école en quartier général du dépistage rapide. Le projet, débuté le 25 janvier, a maintenant atteint sa vitesse de croisière. Chaque jour, davantage d’élèves acheminent leur formulaire de consentement afin de participer, encouragées par les échos provenant de leurs camarades.
Kelsey Adams, qui est employée du centre de recherche de Sainte-Justine, fait quotidiennement passer des tests à une cinquantaine de personnes, élèves et membres du personnel. Elle s’exécutera normalement jusqu’à la fin de l’année scolaire. Répéter cet enchaînement des centaines de fois ne lui fait pas peur.
« J’adore ça ! s’exclame-t-elle. Je suis comme une robot-woman. Les jeunes sont parfois nerveuses, mal à l’aise, donc des fois je dois me transformer en animatrice, et je m’amuse avec ça. »
Utilité différente
Sur son plan de travail, Mme Adams dispose quelques tests rapides. Ce sont des bâtonnets qui ressemblent à des clés USB. Mme Adams dépose délicatement cinq gouttes du liquide contenant le mucus nasal dans une petite ouverture sur le dessus des tests. Une marque rouge apparaît ensuite vis-àvis d’une flèche de contrôle (C). Si une seconde marque apparaît près d’une seconde flèche (T) dans les minutes suivantes, le résultat du test est positif.
Dans ce cas, l’élève est immédiatement avertie et retirée de la classe. Son échantillon de salive est alors analysé le soir même au laboratoire de Sainte-Justine. Dans le cas d’un second résultat positif, la classe reste en isolement à la maison dès le lendemain matin. Les échantillons associés aux tests rapides négatifs sont également testés par PCR dans les jours qui suivent.
L’évaluation de la fiabilité du test PanBio se poursuit au Canada. On sait déjà qu’il est moins sensible qu’un test PCR conventionnel (des cas échappent à la détection), mais tout aussi spécifique (un résultat positif est fiable). Chose certaine, ce test détectant les petits « pics » du coronavirus est bien adapté pour détecter les malades très infectieux, qui ont une charge virale plus élevée.
Le projet pilote n’a encore détecté aucune élève atteinte de la COVID-19 au Pensionnat du Saint-Nom-de-Marie. Par ailleurs, depuis le mois de septembre, seulement 10 cas ont été recensés parmi ses écolières. « On a été chanceux : aucun de ces cas n’a donné lieu à de la transmission entre les élèves », souligne Yves Petit, le directeur de l’établissement.
Les tests récoltés lors de la visite du Devoir ne devaient pas changer le portrait. Au bout du quart d’heure d’attente, aucune seconde ligne rouge n’est apparue. Et Mme Adams de clamer « négatif ! » avec enthousiasme.
J’ai entendu parler de personnes qui ne vont pas se faire tester parce qu’elles se disent : “Ah, mes symptômes sont légers, vaut mieux que j’attende.” Si on nous permet d’avoir des tests plus faciles, à mon avis, il va y avoir plus
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de personnes qui vont se faire tester.
MARGOT
Si on voit qu’il y a quelqu’un dans notre classe qui est positif, on peut tout de suite le mettre en quarantaine et
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ne pas nécessairement contaminer les autres classes
GABRIELLE