Le Devoir

Des théories du complot payantes pour l’ancien président

Le Trump Internatio­nal Hotel, à Washington, a triplé le prix de ses chambres à l’approche d’un rassemblem­ent conspirati­onniste

- FABIEN DEGLISE À WASHINGTON

Avec ses barrières de protection et ses alentours désertés, le Trump Internatio­nal Hotel, avenue Pennsylvan­ia à Washington, avait des allures d’établissem­ent fermé mardi matin. Mais il est bien ouvert et compte même faire de l’argent en profitant des théories du complot dont se sert depuis des années son propriétai­re, Donald Trump.

À preuve. À l’approche du 4 mars prochain, date annoncée de nouvelles manifestat­ions des fidèles de l’ex-président dans la capitale américaine, l’hôtel a décidé de presque tripler le prix de ses chambres, les faisant passer de 495 $ la nuit à plus de 1400 $. C’est une augmentati­on de 180 %.

Le tarif de ses concurrent­s, le Four Seasons, le Hay Adams ou le St. Regis, reste inchangé au début du mois de mars, résumait le magazine Forbes samedi dernier en portant au grand jour cet opportunis­me tarifaire.

Le 4 mars ? Cette date est à l’agenda des conspirati­onnistes américains, dont les adeptes du mouvement QAnon, depuis un mois et l’intronisat­ion de Joe Biden. Selon eux, elle va marquer le retour au pouvoir et l’assermenta­tion de Donald Trump comme nouveau président des ÉtatsUnis. Ici, à Washington. Des manifestat­ions sont prévues dans la capitale américaine pour témoigner de cette reprise du pouvoir.

Selon les complotist­es américains, le 4 mars marquera le retour au pouvoir et l’assermenta­tion de Donald Trump comme nouveau président des ÉtatsUnis

Présidents illégitime­s

Mais pourquoi ? La réhabilita­tion du président déchu de ses fonctions émerge en partie d’une théorie fumeuse, empruntée aux mouvements de citoyens souverains — ceux qui cherchent à ne pas payer d’impôts. D’après eux, une loi secrète a été votée aux États-Unis en 1871 pour faire du pays une corporatio­n et ainsi rompre avec la forme de gouverneme­nt mis en place par les pères fondateurs. Tous les présidents qui ont suivi sont donc illégitime­s.

La bibliothèq­ue du Congrès ne dispose d’aucun document sur la chose. Mais elle possède par ailleurs des textes sur l’incorporat­ion des villes de Washington et de Georgetown cette année-là au sein du nouveau District de Columbia. Une interpréta­tion fantaisist­e de la loi constituan­t la capitale et son district vient expliquer tout le reste.

Le 4 mars est également la date où les présidents américains étaient assermenté­s jusqu’en 1933, année où le 20e amendement de la Constituti­on a été adopté, pour réduire la période de transition entre les élections et l’entrée en fonction du président, au 20 janvier.

Donald Trump se préparait donc, dans cette réalité alternativ­e, dont plusieurs citoyens annoncent sérieuseme­nt le retour sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, à devenir le 19e président des États-Unis. Le dernier légitime, pour les complotist­es, ayant été Ulysses S. Grant, le 18e, jusqu’en 1871.

Dans cette perspectiv­e, comme 45e président des États-Unis, Donald Trump n’avait donc pas la légitimité de l’être. Mais le mouvement semble faire abstractio­n de cette contradict­ion.

Des chambres à 8000 $

Ce n’est pas la première fois que le Trump Internatio­nal Hotel augmente ses prix pour tirer profit des événements phares se jouant dans la capitale. Les 5 et 6 janvier dernier, alors que Donald Trump avait convié ses troupes à Washington pour s’opposer à la certificat­ion du vote confirmant l’élection de Joe Biden par le Congrès, le prix des chambres a atteint 8000 $ la nuit. C’était presque quatre fois plus que lors de la journée de l’assermenta­tion, la vraie, en 2016, du milliardai­re autoprocla­mé, indique Zach Everson, auteur de l’infolettre 1100 Pennsylvan­ia, qui suit les activités politiques et financière­s de l’hôtel de l’ex-président depuis le début de son mandat.

À quelques rues de la Maison-Blanche, le Trump Internatio­nal Hotel s’est retrouvé au coeur des activités du pouvoir durant les quatre dernières années en devenant un lieu de rassemblem­ent des républicai­ns, des proches et des fidèles de l’ex-président.

La Trump Organizati­on serait allée chercher 2,3 millions de dollars par ses événements depuis 2015, selon Forbes. L’ensemble des propriétés du magnat de l’immobilier ont généré 23 millions de dollars depuis son arrivée au pouvoir.

Fait notable : au lendemain de l’insurrecti­on du Capitole, le 6 janvier, Mickael Damelincou­rt, gestionnai­re de l’hôtel, s’est réjoui sur Twitter d’avoir « brisé », lui, « un record d’assistance » dans le restaurant de l’hôtel. « Tellement fier de l’équipe », a-t-il ajouté.

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SUSAN WALSH ASSOCIATED PRESS Ce n’est pas la première fois que le Trump Internatio­nal Hotel augmente ses prix pour tirer profit des événements phares se jouant dans la capitale.

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