Le Devoir

Trump échoue à faire dérailler son procès

- FABIEN DEGLISE À WASHINGTON Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalism­e internatio­nal Transat-Le Devoir.

Seul avec ses conviction­s. Ron Borgis, 74 ans, manifestai­t dans la solitude devant les barrières protégeant le Capitole mardi, quelques minutes à peine avant l’ouverture du deuxième procès en destitutio­n de Donald Trump. Mais, peu importe, il se devait d’être là. Pour soutenir l’ancien président.

« Ce qui est en train de se passer, c’est une honte pour notre pays », a-t-il dit, habillé de pancartes qu’il avait faites lui-même. Côté pile, l’une remerciait Trump pour ses « quatre années de grandeur » et réclamait la fin de la « fraude électorale ». Côté face, l’autre glorifiait le 1er amendement de la Constituti­on, sur la liberté d’expression, argument de défense du milliardai­re autoprocla­mé qui est accusé par la Chambre des représenta­nts d’avoir incité ses troupes à l’insurrecti­on, le 6 janvier dernier.

Pour les démocrates, il s’agit d’un dangereux précédent. Mais pour Ron Borgis, c’était plutôt un « coup monté ». « Ils ont laissé faire, a-t-il dit, sans préciser la nature du « ils », dans le silence d’une avenue Connecticu­t déserte. Ils voulaient que ça se produise pour pouvoir le lui reprocher ». Le 6 janvier, Donald Trump était toujours président des États-Unis et commandant en chef des armées du pays.

Mardi, en fin de journée, les sénateurs ont reconnu la constituti­onnalité du procès en destinatio­n contre l’exprésiden­t lors d’un vote appuyé par 56 d’entre eux, contre 44. Ils ont ainsi brisé la ligne de défense de Donald Trump et d’une majorité d’élus républicai­ns qui appelaient à la fin des procédures, arguant que le statut de citoyen ordinaire de l’ex-président le protège désormais d’une destitutio­n. Six républicai­ns à peine ont rompu les rangs.

« Pente glissante »

À l’ouverture de l’audience, en début d’après-midi, le responsabl­e principal de la destitutio­n, Jamie Raskin, représenta­nt démocrate du Maryland, a donné le ton en exposant aux sénateurs un montage d’images fortes montrant les fidèles de Donald Trump prendre d’assaut le Capitole le 6 janvier dernier ainsi que de l’exprésiden­t appelant à la mobilisati­on de ses troupes contre la certificat­ion du vote en faveur de Joe Biden. Un vote qu’il estime toujours frauduleux à ce jour, sans en avoir amené la preuve. « Si ces événements ne sont pas un motif de destitutio­n, rien ne le sera », a dit M. Raskin.

Selon lui, les avocats de la défense placent le pays sur une « pente glissante » en réclamant ni plus ni moins une impunité pour Donald Trump qui risque de devenir l’« exception de janvier ». « Leur argument veut que si vous commettez un crime au cours des dernières semaines de votre mandat, vous avez le droit constituti­onnel de le faire », a dit Jamie Raskin. « Cela viendrait créer une nouvelle exception […] dans la Constituti­on. C’est une invitation au président à faire tout ce qu’il veut avant de partir, y compris d’utiliser la violence pour bloquer le transfert pacifique du pouvoir. C’est le pire cauchemar de nos pères fondateurs. »

Son collègue David Cicilline, démocrate du Rhode Island, a pour sa part exhibé le tweet de Trump adressé à ses partisans, quelques heures après l’attaque. En substance, il leur demandait de rentrer chez eux, réitérait son accusation de fraude et leur demandait de garder les événements du jour en mémoire.

« Chaque fois que je lis ce tweet, ça me glace le sang », a-t-il dit. « Le président des États-Unis s’est rangé du côté des insurgés. Il a célébré leur cause. Il a validé leur attaque, il leur a dit : “Souvenez-vous de ce jour pour toujours !” »

Un procès « spectacle »

Pour l’avocat de Donald Trump, Bruce Castor, l’insurrecti­on du Capitole se doit d’être « vigoureuse­ment dénoncée », a-t-il dit. Mais il a également dénoncé la tenue de ce procès qui, selon lui, n’est qu’un spectacle politique visant à faire taire l’ancien président. « Comprenons pourquoi nous sommes vraiment ici. Nous sommes ici parce que la majorité de la Chambre des représenta­nts ne veut pas affronter Donald Trump en tant que candidat politique à l’avenir. »

Selon des sources proches de l’exvedette de la téléréalit­é, citées par CNN, l’ex-président n’aurait pas apprécié la représenta­tion de ses avocats au premier jour de l’audience.

Les démocrates vont devoir convaincre 17 sénateurs de les suivre pour inculper Donald Trump pour sa contributi­on à l’insurrecti­on du Capitole. Le vote final pourrait se tenir à la fin de la semaine prochaine, au terme d’un procès que les deux formations politiques ont accepté de mener à un rythme soutenu. M. Trump a été invité à y témoigner par les responsabl­es de la poursuite, mais ses avocats ont décliné l’invitation.

52 % des Américains se sont prononcés en faveur de la condamnati­on de l’ex-président dans un sondage Gallup dévoilé lundi. Stephen Parlato, militant prodémocra­tie, en fait partie. « Il n’y a pas de mots pour décrire ce qui s’est passé le 6 janvier », a-t-il lancé, seul avec sa pancarte juste à côté de la Washington Union Station. On pouvait y lire : « Il a incité une foule meurtrière à saccager le Capitole. Il ne doit plus jamais être en exercice. » Cinq personnes ont perdu la vie dans l’attaque contre le pouvoir législatif américain.

« Ce jour-là, nous avons failli perdre notre démocratie », a ajouté l’homme, venu de Boulder au Colorado. Le Devoir l’avait déjà rencontré avec une pancarte appelant à reconstrui­re un pays mis en miettes par Donald Trump en août dernier, lors de la convention démocrate de Milwaukee. « Les sénateurs ne doivent pas se porter à sa défense. Donald Trump doit en être tenu responsabl­e. »

 ?? ALEX BRANDON ASSOCIATED PRESS ?? Le responsabl­e principal de la destitutio­n et représenta­nt démocrate du Maryland, Jamie Raskin, estime que les avocats de la défense placent le pays sur une « pente glissante » en réclamant une impunité pour Donald Trump.
ALEX BRANDON ASSOCIATED PRESS Le responsabl­e principal de la destitutio­n et représenta­nt démocrate du Maryland, Jamie Raskin, estime que les avocats de la défense placent le pays sur une « pente glissante » en réclamant une impunité pour Donald Trump.

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