La junte sous pression, à l’ONU comme dans la rue
Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a exigé vendredi la libération immédiate de la cheffe déchue du gouvernement myanmarais, Aung San Suu Kyi, renforçant la pression sur les militaires ayant pris le pouvoir. Une résolution en ce sens a été adoptée sans vote, à l’issue d’une session extraordinaire des 47 États membres du Conseil des droits de l’Homme (CDH) organisée à la demande de l’Union européenne et du Royaume-Uni. La Chine et la Russie, soutiens traditionnels de l’armée myanmaraise, se sont toutefois distanciées du consensus, après l’adoption de la résolution.
« Le monde entier regarde » la répression au Myanmar, a averti la hautecommissaire adjointe de l’ONU aux droits de l’homme, Nada al-Nashif, en jugeant « inacceptable » l’usage de la violence contre les manifestants et en déplorant « les mesures draconiennes prises pour empêcher les réunions pacifiques et entraver la liberté d’expression », ainsi que le renforcement de la présence policière et militaire dans les rues.
Le texte adopté vendredi par le CDH « demande d’urgence la libération immédiate et sans conditions de toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris la conseillère d’État Aung San Suu Kyi et le président Win Myint […], ainsi que la levée de l’état d’urgence ». Contrairement à ce que le projet de résolution prévoyait, le texte adopté ne demande pas au rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme au Myanmar de se rendre sur place en urgence pour évaluer la situation. Il y avait toutefois peu de chance que le Myanmar accepte une telle visite. La résolution demande en revanche le « rétablissement du gouvernement élu » en novembre, mais ne réclame pas de sanctions.
Nada al-Nashif a quant à elle demandé à la communauté internationale que les sanctions soient « ciblées », afin de ne pas plonger la population dans la misère : « Les dirigeants de ce coup d’État constituent un objectif approprié pour de telles actions ». « Il est d’une importance capitale qu’aucun préjudice ne soit infligé aux personnes les plus vulnérables du pays, et que l’aide à la lutte contre la pandémie puisse se poursuivre, tout comme l’aide humanitaire dans les zones de conflit » du pays, a-t-elle insisté.
Lors des débats, l’ambassadeur myanmarais auprès de l’ONU, Myint Thu, a justifié l’action des forces armées, prises notamment « à la lumière des irrégularités postélectorales ». La junte conteste la régularité des élections de novembre, remportées massivement par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi.
Nouvelle journée de manifestations
Au Myanmar, la mobilisation contre le coup d’État n’a pas faibli vendredi : des centaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues malgré les nouvelles arrestations ordonnées par la junte. À Rangoun, la capitale économique, une foule variée défilait sur une des grandes artères de la ville. « Rendez-nous notre gouvernement élu », « respectez notre vote », scandaient-ils. « Nous ne reprendrons le travail que quand le gouvernement civil de “Mother Suu” Kyi sera rétabli. Peu importent les menaces », a déclaré à l’AFP Wai Yan Phyo, un médecin de 24 ans.
Des rassemblements avaient lieu dans plusieurs autres villes, comme à Naypyidaw, la capitale administrative. Les manifestations étaient largement pacifiques, mais la tension était palpable.