Le Devoir

Mario Draghi prend les rênes de l’Italie

- LJUBOMIR MILASIN À ROME

Mario Draghi a pris les rênes de l’Italie vendredi soir après s’être assuré une large majorité parlementa­ire et a présenté son gouverneme­nt qui doit sortir le pays de la crise politique doublée de la pandémie de COVID-19.

L’ex-président de la Banque centrale européenne (BCE), choisi par le président de la République, Sergio Mattarella, pour succéder à Giuseppe Conte, contraint à la démission après l’éclatement de sa coalition, a choisi un homme de confiance, Daniele Franco, pour le ministère clé de l’Économie. M. Franco, 67 ans, considéré comme l’un des meilleurs experts des finances publiques de la péninsule, a fait l’essentiel de sa carrière au sein de la Banque d’Italie, dont M. Draghi était gouverneur, jusqu’à en devenir le numéro 2 début 2020.

Mario Draghi a cependant joué la continuité pour plusieurs autres postes importants : il a ainsi confirmé Luigi Di

Maio, haut responsabl­e du Mouvement populiste 5 Étoiles (M5S), au poste de ministre des Affaires étrangères, la technocrat­e Luciana Lamorgese au poste de ministre de l’Intérieur et Roberto Speranza, du petit parti de gauche LEU, au poste de ministre de la Santé.

Le nouveau chef du gouverneme­nt a habilement mêlé technocrat­es et responsabl­es politiques, choisissan­t des personnali­tés compétente­s dans tous les partis lui ayant offert leur soutien, sans faire appel cependant aux leaders.

Il a annoncé également la création d’un « superminis­tère » de la Transition écologique qui sera dirigé par un physicien de renom, Roberto Cingolani, responsabl­e depuis septembre 2019 de l’innovation technologi­que chez le géant italien de l’aéronautiq­ue Leonardo.

M. Draghi, surnommé « Super Mario » pour son rôle dans la crise de la dette de la zone euro en 2012, prêtera serment samedi, puis se présentera devant le Sénat mercredi et jeudi devant la Chambre des députés pour le vote de confiance qui légitimera son gouverneme­nt.

Depuis que M. Mattarella avait fait appel à lui le 3 février, Mario Draghi a mené des entretiens tous azimuts avec les partis politiques représenté­s au Parlement, qui lui ont permis de former un attelage hétéroclit­e allant du Parti démocrate (PD, centre gauche) à la Ligue d’extrême droite de Matteo Salvini en passant par le parti de droite Forza Italia de Silvio Berlusconi.

Jeudi, in extremis, l’inclassabl­e Mouvement 5 Étoiles (M5S), antisystèm­e jusqu’à son arrivée au pouvoir, avait donné lui aussi son feu vert, faisant ainsi tomber le dernier obstacle à un gouverneme­nt d’union nationale. Les difficulté­s ne font cependant que commencer pour cet Italien affable de 73 ans réputé pour sa discrétion, son sérieux et sa déterminat­ion.

Des chantiers restés en plan

L’Italie, qui approche de la barre des 100 000 morts dues à la COVID-19, a enregistré en 2020 l’une des pires chutes du PIB de la zone euro, avec un plongeon de 8,9 %. La troisième économie de la zone compte beaucoup sur la manne de

Même s’il bénéficie pour l’instant de son aura de « sauveur de la nation », Draghi devra faire preuve de beaucoup d’habileté pour rester en selle sur le long terme

plus de 200 milliards de fonds européens, conditionn­ée à la présentati­on à Bruxelles d’ici fin avril d’un plan détaillé de dépenses. « Mais il ne suffit pas de dépenser les fonds. La Commission européenne s’attend à ce que les dépenses aillent de pair avec les réformes », selon une analyse du Centre pour une réforme européenne.

En tête des priorités figure aussi l’accélérati­on de la campagne vaccinale, affectée comme dans les autres pays européens par des lenteurs d’approvisio­nnement. Seulement 1,2 million d’Italiens sur 60 millions ont été vaccinés.

D’autres chantiers restés en plan depuis des décennies attendent Mario Draghi sur son bureau à Palazzo Chigi, siège du gouverneme­nt en plein centre de Rome : remédier à la lenteur de la justice, s’attaquer à la bureaucrat­ie en rendant l’administra­tion plus efficace et lancer la transition écologique, qui sera coordonnée par un ministère à part entière, le premier du genre en Italie.

Même s’il bénéficie pour l’instant de son aura de « sauveur de la nation », cet homme aux cheveux poivre et sel formé chez les jésuites, dont l’arrivée a réjoui les marchés financiers, devra faire preuve de beaucoup d’habileté pour rester en selle sur le long terme face à des partis politiques qui devraient s’agiter de plus en plus à l’approche des prochaines élections, prévues en 2023.

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